À Thomas Chapais
Auteur de Jean Talon.
Exegi monumentum aereperennius.
HORACE.
Parmi les preux obscurs et les brillants esprits
Qui rêvaient de créer une seconde France,
Il en est un, surtout, dont vous êtes épris,
Et vous avez voulu dans un de vos écrits
En louer la sagesse et la mâle constance.
Vous avez voulu faire aimer un tel héros,
Faire éclater son nom comme un cri de victoire;
Vous avez, noble ami, poursuivant des travaux
Que semblaient dédaigner de glorieux rivaux,
Réparé les oublis coupables de l'Histoire.
À reconstituer l'oeuvre d'un fondateur,
- Qui couvrait de fragments épars notre rivage,
Et pour qui vous craigniez un vent spoliateur, -
Vous avez mis autant de fierté que d'ardeur,
Vous avez mis autant d'amour que de courage.
Pour retracer les faits que voilait le passé,
Et qui devaient briller comme en un reliquaire,
Bénédictin toujours debout, jamais lassé,
Vous avez découvert, fouillé, bouleversé
Bien des débris perdus dans des flots de poussière.
Tel un mineur qui suit un filon ténébreux,
Où luisent cependant l'or, l'argent et le cuivre,
Dans l'ombre vous poussiez parfois des cris joyeux,
En voyant tout à coup resplendir sous vos yeux
Des choses dont l'artiste ou l'érudit s'enivre.
Et quand vous avez eu scruté plus d'un filon
Qui celait les trésors d'une vie admirable,
Qui celait le grand zèle et l'esprit de Talon,
Ému, vous avez dit: - À ce nouveau Solon
Je voudrais élever un monument durable! -
Et vous avez taillé le marbre et le granit.
Bientôt sous votre main habile une colonne,
En qui la force altière à la beauté s'unit,
A lentement dressé son fût vers l'infini,
Où l'astre étincelant de l'Idéal rayonne.
À cet harmonieux et svelte monument
Vous avez su donner une assise opulente,
Et, sculpteur travaillant la pierre obstinément,
Vous avez bien des fois lassé votre instrument
À polir la rosace, à ciseler l'acanthe.
L'outil divin toujours luisait dans votre main.
Plein du feu dont brûlaient Primatice et Malherbe,
Tous les jours vous disiez: - J'achèverai demain! -
Mais sans fin persistait l'effort noble et serein,
Sans fin s'embellissait la colonne superbe.
Vous rêviez constamment un travail plus parfait.
Au socle inébranlable, inondé de lumière,
Vous vouliez tous les jours graver un nouveau fait.
Enfin vous avez mis, plein d'orgueil satisfait,
Au sommet de votre oeuvre une dernière pierre.
Et ce fier monument, beau comme le Succès,
Au péristyle altier du temple de la gloire,
D'un éclat souverain brillera pour jamais,
Non moins en votre honneur qu'en l'honneur du Français
Dont vous deviez si bien nous raconter l'histoire.