POÈME. 11
C'est des Hébreux errans le chef, le défenseur:
Dieu tout entier habite en ce marbre penseur.
Ciel! n'entendez-vous pas de sa bouche profonde
Éclater cette voix créatrice du monde.
O qu'ainsi parmi nous des esprits inventeurs
De Virgile et d'Homère atteignent les hauteurs!
Sachent dans la mémoire avoir comme eux un temple,
Et sans suivre leurs pas imiter leur exemple;
Faire, en s'éloignant d'eux, avec un soin jaloux,
Ce qu'eux-même ils feraient s'ils vivaient parmi nous!
Que la nature seule, en ses vastes miracles,
Soit leur fable et leurs dieux, et ses lois leurs oracles;
Que leurs vers, de Thétis respectant le sommeil,
N'aillent plus dans ses flots rallumer le soleil;
De la cour d'Apollon que l'erreur soit bannie,
Et qu'enfin Calliope, élève d'Uranie,
Montant sa lyre d'or sur un plus noble ton,
En langage des dieux fasse parler Newton!
Oh! si je puis, un jour!... Mais, quel est ce murmure,
Quelle nouvelle attaque et plus forte et plus dure?
O langue des Français! est-il vrai que ton sort
Est de ramper toujours et que toi seule as tort?
Ou si d'un faible esprit l'indolente paresse
Veut rejeter sur toi sa honte et sa faiblesse?
Il n'est sot traducteur de sa richesse enflé,
Sot auteur d'un poème, ou d'un discours sifflé,
Ou d'un recueil ombré de chansons à la glace,
Qui ne vous avertisse, en sa fière préface',
Que si son style épais vous fatigue d'abord,
Si sa prose vous pèse et bientôt vous endort;