Aux Étudiants.
Q-Uol? Des mascarades!... Ainsi
On fera la noce quand même.
Écoliers de la Mi-Carême,
Le moment est-il bien choisi?
La dynamite meurtrière
Est toute prête, quelque part.
Téméraires comme jean Bart,
Vous fumez sur la poudrière.
Lorsque dans sa boîte- de thon
L'anarcko met sa poudre verte,
Vraiment, cela me déconcerte,
La musique d'un mirliton.
Malgré l'échafaud et le bagne,
Des fous mitraillent les oisifs.
Et j'entends d'autres explosifs
Qui sont des bouchons de champagne.
Vous invitez pour le cancan
Margot, Joséphine ou Constance;
Vous écrivez : « Ici l'on danse »
Près du cratère d'un volcan.
Une neige de papier tombe
Sur le passant abasourdi.
Vous nous criblez de confetti,
Camarades... Gare la bombe!...
Ceci n'est point une leçon.
Non, je me dis, en conscience,
Que votre folle insouciance
Contre ma tristesse a raison.
A votre âge, L'espoir enivre.
Vive demain!... Qu'importe hier?...
On veut, même en des jours de fer,
Jouir de ses vingt ans et vivre
Soit! Riez et chantez en choeur.
- La jeunesse est si tôt passée! -
Pourtant qu'une grave pensée,
Tout d'abord, vous vienne du coeur.
Songez que ce siècle est coupable,
qu'il sera bientôt châtié,
S'il n'apaise par la pitié
Le désespoir du misérable.
Songez que votre Carnaval
Serait effrayant, si la plainte
D'un meurt-de-faim était éteinte
Par les cuivres stridents du bal.
Songez qu'elle est très nécessaire
Et qu'on ne peut trop la grossir,
Cette dîme que le plaisir
Doit justement à la misère.
Quand tant de coeurs sont endormis,
Que le Pauvre, dans votre fête,
Ait sa part, et largement faite!
Donnez l'exemple, mes amis.
Oui, c'est cela qu'il faut vous dire.
Vous êtes bons, soyez meilleurs.
Ce n'est qu'en séchant bien des pleurs
Qu'on a droit à l'éclat de rire.
Février 18??}.