III
Or l’état de sa mère allait en s’aggravant.
Une nuit vint la mort, triste comme la vie ;
Et, quand à son dernier logis il l’eut suivie,
En grand deuil et traînant le cortége obligé
Des collègues heureux de ce jour de congé,
Il rentra dans sa chambre et songea, solitaire.
Il se vit sans amis, pauvre, célibataire,
Vieil enfant étonné d’avoir des cheveux gris ;
Il sentit que son âme et son corps avaient pris,
Depuis vingt ans, la lente et puissante habitude
De l’ennui, du silence et de la solitude ;
Qu’il n’avait prononcé qu’un mot d’amour : « maman »
Et qu’il n’espérait plus que son simple roman
Pût s’augmenter jamais d’un plus tendre chapitre.
- Le jour à son bureau, le soir à son pupitre,
Il revint donc s’asseoir, résigné, mais vaincu ;
Et, libre, il vit ainsi qu’esclave il a vécu.
Même dans la maison qu’il habite, personne
Ne songe qu’il existe, et, la nuit, quand il sonne,
Le vieux portier, - il a soixante-dix-sept ans
Et perd la notion des choses et du temps, -
Se réveille, maussade, et murmure en son antre :
- C’est le petit garçon du cinquième qui rentre.