AVERTISSEMENT 3
Au lecteur.
Je donne cette seconde partie à l' impatience de ceux
qui ont fait quelque état de la première, et ce n' est pas
sans un peu de confusion que je leur donne si peu de
chose à la fois. Quelques-uns même en pourront mur-
murer avec justice ; mais après la grâce qu' ils m' ont faite
de ne point dédaigner ce qu' ils en ont vu, je pense avoir
quelque droit d' espérer qu' ils ne me refuseront pas celle
de se contenter de ce que je puis, et de n' exiger rien de
moi par delà ma portée. Le bon accueil qu' en a reçu le
premier échantillon de cet ouvrage m' a bien enhardi à
le poursuivre ; mais il ne m' a pas donné la force d' aller
bien loin sans me rebuter. Le peu de disposition que les
matières y ont à la poésie, le peu de liaison non-seule-
ment d' un chapitre avec l' autre, mais d' une période
même avec celle qui la suit, et la quantité des redites qui
s' y rencontrent, sont des obstacles assez malaisés à sur-
monter. Et si, outre ces trois difficultés, qui viennent de
l' original, vous voulez bien en considérer trois autres de
la part du traducteur, peu de connoissance de la théo-
logie, peu de pratique des sentiments de dévotion, et
peu d' habitude à faire des vers d' ode et de stances, j' ose
m' assurer que vous me trouverez assez excusable, quand
je vous avouerai qu' après seize ou dix-sept cents vers de
cette nature, j' ai besoin de reprendre haleine, et de me
reposer plus d' une fois dans une carrière si longue et si
pénible. C' est ce que je fais avec d' autant plus de liberté,
que je n' y vois aucun chapitre dont l' intelligence dépende
de celui qui le précède, ou de celui qui le suit ; et que
n' ayant point d' ordre entre eux, je puis m' arrêter où je
me trouve las, sans craindre d' en rompre la tissure. Si
Dieu me donne assez de vie et d' esprit, je tâcherai d' aller
jusqu' au bout, et lors nous rejoindrons tous ces frag-
ments. Cependant je conjure le lecteur d' agréer ce que
je lui pourrai donner de temps en temps, et surtout de
souffrir l' importunité de quelques mots que j' emploie un
peu souvent. Les répétitions sont si fréquentes dans le
texte de mon auteur, que quand notre langue seroit dix
fois plus abondante qu' elle n' est, ma traduction l' auroit
déjà épuisée. Il s' y trouve même des mots si farouches
pour la poésie, que je suis contraint d' en chercher
d' autres, qui n' y répondent pas si parfaitement que
je souhaiterois, et n' en sauroient exprimer toute la
force.
Je fais cette excuse particulièrement pour celui de con-
solations , dont il se sert à tous propos, et qui a grand
peine à trouver sa place dans nos vers avec quelque
grâce ; celui de joie et celui de douceur , que je lu
stitue, ne disent pas tout ce qu' il veut dire ; et à moins
que l' indulgence du lecteur supplée ce qui leur manque,
il ne concevra pas la pensée de l' auteur dans toute son
étendue. Il en est ainsi de quelques autres que je ne puis
pas toujours rendre comme je voudrois. Je n' en veux pas
toutefois imputer si pleinement la faute à la foiblesse de
notre langue, que je ne confesse que la mienne y a bonne
part ; mais enfin je ne puis mieux, et de quelque impor-
tance que soit ce défaut, je n' ai pas cru qu' il me dût faire
quitter un travail que d' ailleurs on me veut faire croire
être assez utile au public, et pouvoir contribuer quelque
chose à la gloire de Dieu et à l' édification du prochain.