AVERTISSEMENT 4
Au lecteur.
Je n' ai qu' un mot à vous dire, non pour ce qui regarde
ma traduction, que le public a reçue assez favorablement
pour me résoudre à la continuer, mais touchant quelques
ornements qu' on m' a convié d' y joindre, pour suppléer
en quelque sorte au défaut de ceux de la poésie qui n' y
peuvent pas entrer aisément. Ce sont des figures de taille-
douce, que j' ai fait mettre au devant de chaque chapitre,
et qui contiennent comme autant d' emblèmes historiques,
dont le corps est toujours une action remarquable ou de
Jésus-Christ, ou de la Vierge, ou d' un saint, ou de quel-
que personne illustre ; et l' âme, une sentence tirée du
même chapitre, et à qui cette action sert d' exemple. J' ai
fait graver ces sentences en latin, pour ne leur rien ôter
de leur force ; mais afin que les dames les puissent en-
tendre sans autre interprète que moi, j' en ai fait imprimer
la version en caractère italique, où véritablement elles
n' en trouveront pas toujours la lettre rendue mot pour
mot, parce que la liaison de mon discours m' engage quel-
quefois à les tourner d' une autre façon, et ne me permet
pas de les exposer en forme de sentences ; mais du moins
elles en rencontreront toujours le sens assez fidèlement
exprimé, pour en faire l' application aux histoires dont elle
les verront accompagnées. Au reste je n' ai point voulu
que cette nouvelle édition fût embarrassée du texte latin,
parce que j' ai cru que la fidélité de ma traduction étoit
assez justifiée par la précédente ; ceux qui auront la curio
sité de les conférer ensemble, y pourront avoir recours :
cependant comme il y a quantité de personnes pour qui
cette opposition de l' original est inutile, j' ai cru ne les
devoir pas importuner davantage, et me suis contenté de
leur donner mes vers aucunement en meilleur état qu' on
ne les a vus, y ayant fait quelques changements notables,
surtout aux premiers chapitres, où il m' a semblé que je
n' avois pas d' abord assez pénétré l' esprit de l' auteur.
J' espère avec le temps vous rendre un compte encore
plus exact de ses pensées, quand je vous ferai voir l' ou-
vrage entier ; mais je vous avoue que je prévois que ce
ne sera pas si tôt : non que je n' en aye grande impatience,
mais parce que ces matières ont si peu de disposition à
s' accommoder avec notre poésie, qu' elles me lassent in-
continent et m' obligent à me reposer plus souvent que
je ne voudrois. Si ces commencements vous agréent,
faites-moi la grâce de ne vous ennuyer point de mes
longueurs à vous donner le reste : il est des plumes plus
heureuses que la mienne, qui vous feroient moins at-
tendre cette satisfaction, si elles avoient entrepris ce tra
vail ; mais pour moi, je ne suis point honteux de vous
avouer une seconde fois avec franchise qu' il m' est im-
possible d' en venir à bout qu' avec beaucoup de temps et
beaucoup de peine.