Scène I. - Otto, Brandel et Rosemberg, assis sur une colline. Clair de lune.
Otto
Quand on y réfléchit, quelle bouffonnerie
Que ce sale tripot qu'on appelle la vie!
Sans compter les braillards, les sots et les gredins...
Quel puits à s'y noyer que ces bourbiers humains!
Croyez-y donc un peu! Soyez donc assez bête
Pour vous imaginer comme un pauvre innocent
Que tous ces masques-là sont de chair et de sang!
Faites donc le grand coeur et cassez-vous la tête
Contre les murs d'airain de la tour de Babel
Pour en faire jaillir quelque faible étincelle:
Près des femmes, surtout, jouez donc au plus fin.
Je crois en vérité que nous valons mieux qu'elles,
Nous sommes moins bornés, moins faux, moins tortueux
Et ce que nous faisons est toujours pire ou mieux.
Nous n'avons pas du moins cette sotte pensée
De croire que le monde ait été fait pour nous,
Que nous portons dans l'âme une perle enchâssée
Et que les plus grands maux doivent sembler trop doux
Quand nous laissons les gens nous voir jusqu'aux genoux.