IV
A Michel Puy.
Que mes poèmes soient étranges
Et qu'on les raille et leur auteur,
Cela m'est peu, car les louanges
Ne sont pas chères à mon coeur,
Hors celles de quelques poètes
Au coeur fervent, au regard pur,
Et qui nagent, blanches mouettes,
Dans les ténèbres et l'azur.
Ma vie en silence s'écoule,
C'est pour peu d'hommes que j'écris,
Car si je chantais pour la foule.
Je pousserais bien d'autres cris.
De deux poings défiant les astres,
Je clamerais à grand fracas
Et ferais crouler les pilastres
Et les balustres sur mes pas.
Ou plaignant ma longue misère,
En des tumultes mesurés,
D'une voix qu'on dirait sincère,
Apollon, je t'invoquerais.
Je pourrais dater une stance,
Doux exotisme, de Turin,
De Heidelberg ou de Constance,
Sans avoir jamais pris le train.
Et je plairais aux demoiselles,
Ayant mis à mon violon,
Non des cordes, mais des ficelles,
Pour des romances de salon.
Et peut-être dans mon vieil âge
Pourrais-je voir sur mon perron
Un laurier bercer son feuillage.
Mais à quoi bon? Mais à quoi bon?
La gloire éclôt, jaunit, se fripe
Et s'effeuille de l'aube au soir,
Et j'aime mieux fumer ma pipe
Que renifler son encensoir.