LE PETIT AMBITIEUX
Un enfant avait mis les bottes de son père.
Il se croyait plus grand; mais il fallait marcher:
Dans sa jeune espérance, il arpentait la terre;
Ses bottes ne pouvaient pourtant l'en détacher.
Il traîne avec ardeur l'entrave qu'il adore;
Il veut courir... il rampe; il rit, il rampe encore
Au collège, avant l'heure, il arrive enchanté,
Et parmi les plus grands se range avec fierté.
Son père l'a suivi.... Dieu! faites-le sourire!
Il cherche, il voit l'enfant; il a dit: «Levez-vous!»
L'ambitieux chancelle et fléchit les genoux.
Mais son père commande: un père, il faut souscrire;
Il se lève. «Courez, dit son juge, courez!
D'un pas ferme et hardi devancez votre père,
Que votre course soit prospère:
Si vous tombez, malheur!... vous vous débotterez.»
Se débotter!... jamais; plutôt périr en route.
L'enfant frissonne, il pleure à la voix qu'il redoute;
Mais il pleure immobile, et sur son front charmant
Se peignent la douleur et le ressentiment.
L'école curieuse avait fermé son livre,
Le maître préparait le sermon détesté;
Et l'enfant!... Il songeait à la mort qui délivre,
Car du crime, à ses pieds, tout le poids est resté.
«Pour la dernière fois, courez, je vous l'ordonne!
Si vous me devancez, mon fils, je vous pardonne.»
Et l'enfant éperdu, plein d'âme et plein d'effroi.
S'élance sur son père, et dit: «Emportez-moi!»
Et ce père accueillit sa rougeur et ses larmes;
Sur son coeur qui battait de colère.... ou d'amour,
Il emporta son fils, tout botté, sous les armes.
«Conserve-les, dit-il; tu marcheras un jour!»