MELANGES DANS LA RUE
par un jour funèbre de Lyon
La Femme.
Nous n' avons plus d' argent pour enterrer nos morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ;
et les corps étendus, troués par les mitrailles,
attendent un linceul, une croix, un remords.
Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe.
Où va-t-il ? Au trésor, toucher le prix du sang.
Il en a bien versé ! Mais sa main n' est pas lasse :
elle a, sans le combattre, égorgé le passant.
Dieu l' a vu. Dieu cueillait comme des fleurs
froissées
les femmes, les enfants, qui s' envolaient aux cieux.
Les hommes... les voilà dans le sang jusqu' aux yeux.
L' air n' a pu balayer tant d' âmes courroucées.
Elles ne veulent pas quitter leurs membres morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ;
et les corps étendus, troués par les mitrailles,
attendent un linceul, une croix, un remords.
Les vivants n' osent plus se hasarder à vivre.
Sentinelle soldée, au milieu du chemin,
la mort est un soldat qui vise et qui délivre
le témoin révolté qui parlerait demain...
Des Femmes.
Prenons nos rubans noirs, pleurons toutes nos larmes ;
on nous a défendu d' emporter nos meurtris :
ils n' ont fait qu' un monceau de leurs pâles débris :
Dieu ! Bénissez-les tous, ils étaient tous sans
armes !
Lyon, 4 avril 1834.