IV
Douce Liberté désirée,
Déesse, où t'es-tu retirée,
Me laissant en captivité ?
Hélas! de moi ne te détourne !
Retourne, ô Liberté ! retourne,
Retourne, ô douce Liberté.
Ton départ m'a trop fait connaître
Le bonheur où je soulais être,
Quand, douce, tu m'allais guidant :
Et que, sans languir davantage,
Je devais, si j'eusse été sage,
Perdre la vie en te perdant.
Depuis que tu t'es éloignée,
Ma pauvre âme est accompagnée
De mille épineuses douleurs :
Un feu s'est épris en mes veines,
Et mes yeux, changés en fontaines,
Versent du sang au lieu de pleurs.
Un soin, caché dans mon courage,
Se lit sur mon triste visage,
Mon teint plus pâle est devenu :
Je suis courbé comme une souche,
Et, sans que j'ose ouvrir la bouche,
Je meurs d'un supplice inconnu.
Le repos, les jeux, la liesse,
Le peu de soin d'une jeunesse,
Et tous les plaisirs m'ont laissé :
Maintenant, rien ne me peut plaire,
Sinon, dévot et solitaire,
Adorer l'oeil qui m'a blessé.
D'autre sujet je ne compose,
Ma main n'écrit plus d'autre chose,
Jà tout mon service est rendu ;
Je ne puis suivre une autre voie,
Et le peu du temps que j'emploie
Ailleurs, je l'estime perdu.
Quel charme, ou quel Dieu plein d'envie
A changé ma première vie,
La comblant d'infélicité ?
Et toi, Liberté désirée,
Déesse, où t'es-tu retirée,
Retourne, ô douce Liberté !
Les traits d'une jeune guerrière,
Un port céleste, une lumière,
Un esprit de gloire animé,
Hauts discours, divines pensées,
Et mille vertus amassées
Sont les sorciers qui m'ont charmé.
Las! donc sans profit je t'appelle,
Liberté précieuse et belle !
Mon coeur est trop fort arrêté :
En vain après toi je soupire,
Et crois que je te puis bien dire
Pour jamais adieu, Liberté.