Rappel du premier message :
CHANT SECOND
LE NAVIRE
O terre de Cécrops! terre où règnent un souffle divin et
des génies amis des hommes!
(Les Martyrs, CHATEAUBRIAND).
Au coeur privé d'amour, c'est bien peu que la gloire.
Si de quelque bonheur rayonne la victoire,
Soit pour les grands guerriers, soit à ceux dont la voix
Éclaire les mortels ou leur dicte des lois,
N'est-ce point qu'en secret, chaque pas de leur vie
Retentit dans une âme invisible et ravie
Comme au sein d'un écho qui des sons éclatants
S'empare en sa retraite et les redit longtemps?
Ainsi des chevaliers la race simple et brave
Au servage d'amour rangeait sa gloire esclave;
Ainsi de la beauté les secrètes faveurs
Élevèrent aux Cieux les poètes rêveurs;
Ainsi souvent, dit-on, le bonheur d'un empire
Aux peuples, par les rois, descendit d'un sourire.
Il s'est trouvé parfois, comme pour faire voir
Que du bonheur en nous est encor le pouvoir,
Deux âmes, s'élevant sur les plaines du monde,
Toujours l'une pour l'autre existence féconde,
Puissantes à sentir avec un feu pareil,
Double et brûlant rayon né d'un même soleil,
Vivant comme un seul être, intime et pur mélange,
Semblables dans leur vol aux deux ailes d'un ange,
Ou telles que des nuits les jumeaux radieux
D'un fraternel éclat illuminent les cieux.
Si l'homme a séparé leur ardeur mutuelle,
C'est alors que l'on voit et rapide et fidèle
Chacune, de la foule écartant l'épaisseur,
Traverser l'Univers et voler à sa soeur.