Hier la ville était encore émue de ce trouble, lorsqu’on a vu arriver des
soldats exténués de fatigue et de faim qui ont annoncé la défaite de l’armée
entière. Ils étaient suivis d’un grand nombre d’habitants de Nisibe. Cette
ville, contre toute attente, est livrée aux Perses. Les débris de l’armée sont
rassemblés et retranchés dans une place qu’on appelle le Camp des Maures sur les
limites du désert. C’est une chose horrible à voir que la joie féroce des
habitants d’Antioche. Ils accablent de boue et de pierres les malheureux
soldats, à moins qu’ils ne tracent sur leur front le signe de la croix avec une
couleur rouge ou noire. Les hoplites et les cavaliers gaulois que Julien avait
emmenés de Lutèce ont été entièrement détruits, dit-on ; on ne sait encore ce
qu’est devenu l’Empereur. Les Légionnaires ont soutenu la retraite, qui a été
confuse et désastreuse. Les cavaliers perses ne cessent de harceler jour et nuit
les soldats que la misère et le climat ont exténués. Ils ressemblent à des
fantômes, et la plupart ne conservent de leurs armes que des tronçons de piques
qui leur servent de bâtons. Ils ont les pieds sanglants, la tête enveloppée, et
sont couverts de cicatrices.