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 Léon Dierx (1838-1912) La Prophétie II

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Léon Dierx (1838-1912) La Prophétie  II Empty
MessageSujet: Léon Dierx (1838-1912) La Prophétie II   Léon Dierx (1838-1912) La Prophétie  II Icon_minitimeJeu 15 Nov 2012 - 19:27

II

Le vieillard dans un coin dormait sur son burnous.
Et blême, à la lueur d'un lampion de terre,
Son front dans une main, l'autre à son cimeterre,
L'hôte fatal, assis sur un grêle escabeau,
Songeait combien le ciel du matin pâle est beau.
Il se dressa, fiévreux, marcha de long en large,
Secouant sa terreur comme on fait d'une charge,
Et sondant de ses poings la dureté des murs.
« Quoi! Les secrets divins qui pour tous sont obscurs,
Cet homme les connaît et n'y voit nul refuge!
Ignorant quel sera l'exécuteur, lui, juge,
Tout près du condamné qui le surveille, il dort,
Paisible, certain d'être obéi par la mort?
Lui, vil esclave, il dort, ayant marqué son maître!
Ce crime monstrueux, qui pourra le commettre?
Nous sommes seuls ici, dans ces quatre murs clos;
Rien n'y saurait tenter les écumeurs de flots,
Ni les rôdeurs de nuit qui rampent sur la grève!
Cette porte est solide. Il dort! Et moi, je rêve!
S longues soient la nuit et l'angoisse, il viendra,
Le jour, devant qui tout, peur, ténèbres, fuira!
Oui, l'aurore, demain, la houri verte et rose,
Viendra m'illuminer pour une apothéose,
Et dans toute sa pompe aussi je saluerai
La sultane sublime et serai délivré!
Délivré! Suis-je donc tel qu'un chien à l'attache?
Je rêve! Ou je suis fou de trembler comme un lâche!
Cet homme divaguait! Qu'ai-je à craindre ici? Rien!
Un poignard, disait-il; quel autre que le mien,
Moi debout et dardant ma prunelle éclaircie,
Peut luire entre ces murs selon la prophétie,
Entre cet insensé plus faible qu'un enfant,
Et moi, qu'un bras robuste et bien libre défend?
Moi, dormir cette nuit, sans souffle, à cette place?
Sur le livre éternel certes, rien ne s'efface!
Mais la folie encore est trop loin de mon front,
Si pour m'abattre aux pieds de l'archange aussi prompt,
Il faut que cette lame homicide soit celle
Dont la riche poignée à mon flanc étincelle,
Et que la main qui doit la sortir du fourreau
Soit la mienne! Victime, être en plus le bourreau!
Cela se pourra-t-il, que le veuille Allah même?
Moi, fort de ma raison et du pouvoir suprême,
Moi, sans remords, étant sacré par le succès,
Moi, qui viens de fermer au meurtre tout accès,
Je serais fou déjà d'y penser davantage!
Non, ce vieil astrologue est aveuglé par l'âge,
S'il est vrai que l'on puisse au ciel rien percevoir.
Pourtant il a prédit mon crime l'autre soir!
Ah! Quel spectre ai-je vu, levant sa main armée?
Mais non; c'est un reflet sous un peu de fumée!
La vaine illusion se détruit. - Je la vois
Par là qui se reforme et disparaît. - Des voix
Au dehors ont parlé! - Des pas frappent la route!
- Plus rien! - C'était le vent dans les feuilles, sans doute!
C'étaient mes propres pas dans ce silence affreux!
C'est la nuit qui m'oppresse et qui trouble mes yeux!
C'est la flamme qui va mourir et qui vacille!
C'est ce vieillard maudit qui sommeille immobile!
C'est l'aube que j'attends avec la liberté!
C'est l'univers entier sur son axe arrêté!
C'est la prédiction qui veut être accomplie!
Allah! Vais-je vraiment sombrer dans la folie!
Ces armes, ce poignard, s'agitent sous mes mains,
Ils me parlent de mort avec des mots humains!
Ma raison se débat, leur démence est plus forte!
Cela ne sera pas! » Il courut vers la porte,
L'ouvrit grande, et jeta ses armes dans la nuit.
Ce fut une lumière éteinte dans un bruit.
Il regarda, debout au seuil de la masure,
Sombre dans la clarté passant par l'embrasure :
« Le ciel, dit-il, est noir encore à l'orient.
Mais ce poignard jeté, je puis en souriant
Attendre le matin, le pardon et la gloire! »
Sa poitrine s'emplit d'un orgueil de victoire.
Comme il se retournait, une main brusquement
S'appuya sur sa bouche et sur son hurlement.
Le matin, Nour-Eddour se réveilla, tranquille,
Et le vit étendu tout droit devant l'asile,
Qui dormait, dépouillé par l'obscur assassin,
Comme il était écrit, un poignard dans le sein.
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Léon Dierx (1838-1912) La Prophétie II
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