L'EXTASE
Vois, ma Thaïs, cette vigne amoureuse
Se marier à ce jeune arbrisseau ;
Vois le lierre embrasser l' ormeau
De sa guirlande tortueuse.
Puissent tes bras voluptueux
Me serrer, m' enchaîner de même !
Puissé-je par autant de noeuds,
T' enlacer, te presser, te ceindre de mes feux,
Me replier cent fois autour de ce que j' aime,
Et puissions-nous enfin nous reposer tous deux
Dans l' extase du bien suprême,
Et ce calme enflammé connu des vrais heureux ! ...
Alors, ô ma Thaïs, ni les coupes riantes,
Où la gaîté pétille en bachiques vapeurs,
Ni la pompe des rangs, ni l' éclat des grandeurs,
Ne me détacheroient de tes lèvres ardentes.
Anéantis à force de sentir,
L' oeil humide et chargé d' ivresse ;
Arrivés à cette foiblesse,
Le dernier degré du plaisir...
La même barque au noir rivage
Porteroit sans effort deux amans éperdus,
Et nous y serions descendus,
Avant d' avoir soupçonné le passage.