PARTIE II BILLET
de Madame De Senanges, à Madame , son amie.
je suis arrivée hier au soir : je respire : M De
Valois est mieux ; je l' ai tenu embrassé pendant
un quart-d' heure, sans pouvoir dire une parole :
il ne m' a point fait de reproches ; il m' a reçue
avec bonté ; j' ai goûté un instant de joie. Demain
je serai chez vous, à votre lever ; ce seront
encore quelques momens de bonheur. Hélas,
qu' ils passeront vîte ! Adieu.
du chevalier, à l' amie de Madame De Senanges.
est-il vrai ? Madame De Senanges est de retour ?
Je n' ose lui écrire ; j' ose encore moins
me présenter chez elle. J' ai recours à vous : ayez
pitié de mon trouble ; mon état est fait pour
attendrir l' ame la plus insensible ; la vôtre est
bien loin de l' être. Je vous ai conté naïvement
l' histoire et les progrès de ma passion : je ne vous
ai point caché mes torts ; vous m' avez écouté
avec indulgence, et n' y avez vu que ceux de
l' amour. Ah, madame ! Si vous daigniez dire un
mot en ma faveur ! ... sans vous je n' ai plus
d' espoir. J' attends votre réponse : je tremble
d' un refus ; mais j' espere que vous excuserez
ma demande. Je suis au désespoir ! Il faut me
plaindre, et non me juger.
de l' amie de Madame De Senanges, au chevalier.
Madame De Senanges étoit chez moi, monsieur,
quand j' ai reçu votre lettre ; elle a reconnu
votre écriture, et est tombée dans mes bras,
presque évanouie. Revenue à elle, elle m' a défendu
de prononcer votre nom, et je n' ai eu
garde de la contrarier. Ne lui écrivez point ;
ce n' est pas là le moment : qu' on ne vous voie
point autour de sa maison : attendez tout du
tems, et sur-tout de votre bonne conduite.
Vous m' intéressez, parce que je vous crois honnête,
malgré votre égarement ; mais vous avez
blessé l' ame de mon amie, et je ne puis vous
promettre de lui parler pour vous.