PARTIE II BILLET
de Madame De Senanges, au chevalier.
quel réveil ! Qu' ai-je appris ! ... cette
nuit ! ... à l' heure précisément que vous êtes
sorti de chez moi... deux hommes se sont
battus... voilà ce que mes gens ont entendu dire
ce matin, et ce qu' ils m' ont répété... si c' étoit...
grand dieu ! Je n' ose vous faire part de mon
soupçon, tant il m' effraie... ecrivez-moi, parlez-moi
vrai, je vous l' ordonne, je veux être
éclaircie... le doute me tue.
du chevalier, à Madame De Senanges.
l' aventure d' hier n' est point effrayante.
Puisque vous l' exigez, je vais vous la conter
telle qu' elle est. En vous quittant, comme le
tems étoit beau, j' eus la fantaisie de marcher,
et fis suivre ma voiture. Elle étoit déjà assez
loin, lorsqu' un homme s' élance comme un furieux
de la petite rue attenante à votre maison,
en me criant, défendez-vous. Il avoit l' épée à
la main, je tire la mienne ; mes gens entendent
le cliquetis des armes, ils accourent. J' eus beau
leur imposer silence, ils appellent, jettent des
cris. Mon adversaire alors rompt la mesure,
se renfonce dans la rue d' où il étoit sorti, et
disparoît ; je remonte en voiture, et rentre chez
moi, surpris, mais peu troublé de cet événement.
C' est quelqu' un qui se sera trompé : en
s' appercevant de son erreur, il aura craint d' être
connu ; voilà comme j' explique l' énigme de ce
combat. Revenez à vous : tant que ma vie vous
sera chere, j' aurai le courage de la défendre.
de la même, au même.
voilà deux jours que je ne vous vois point,
je meurs d' inquiétude... quel est donc ce mystere ?
Expliquez-vous ; vos billets ont quelque
chose de contraint, de mystérieux... que penser,
que croire ? ... tout ce que j' imagine me
fait trembler ; ne me trompez pas. Ce matin
Dumont avoit l' air alarmé... cher amant, seriez-vous...
je frémis, et n' ose achever... mes pleurs
coulent malgré moi : rassurez-moi ; je suis au
désespoir...