PARTIE II BILLET
de la même, au même.
je ne vous dirai rien ce soir qui ne soit triste
comme moi ; je ne suis pas encore revenue de
tous les événemens qui depuis quelques jours
agitent ma destinée. Pourquoi donc vous écrire ? ...
hélas ! Pour parler à vous, pour vous
dire combien je vous aime, pour me dédommager
du peu de tems que nous passons ensemble,
et charmer le regret d' en être éloignée. Voilà
bien des raisons, lorsqu' il ne faudroit que deux
mots ; je vous écris, parce que je ne peux m' en
empêcher, parce que c' est l' attrait de mon coeur,
son plaisir, ou sa consolation. Il est deux heures
après minuit, je ne puis me résoudre à me coucher ;
je suis pénétrée d' une terreur secrete...
je crains de perdre un seul des momens où je
puis vous assurer de mon amour.
de la même, au même.
une lettre de cachet, un ordre du roi...
je ne vous verrai plus. ô dieu ! C' en est fait...
de quel crime suis-je donc coupable ? ... plaignez-moi,
conservez-vous, ne vous affligez pas... respectez
Monsieur De Senanges ; ou vous me perdez
sans retour... on entraîne votre amante...
où ? Dans quel lieu ? ... je ne sais ; mais votre
image, mon amour et mon innocence m' y suivront...
j' emporte vos lettres, votre portrait,
le seul bien qui me touche, le seul que je posséderai
désormais ; j' abandonne le reste... on me
laisse à peine le tems de vous écrire... mon
désordre, mes larmes... quand vous recevrez
ma lettre, quand vous apprendrez... sort barbare,
je te pardonne tout, si tu épargnes ce que
j' aime ! Adieu : je vous adore : vivez pour m' aimer.
Adieu, adieu ; ce mot affreux ! ... il est
peut-être le dernier que je vous dirai... cher
amant ! Je me meurs... soyez tranquille ; je
prendrai soin de ce qui vous est cher.