PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 32

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 32 Empty
MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 32   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 32 Icon_minitimeMar 29 Jan - 9:49

DIALOGUE 32
Démosthène Et Cicéron.
Différence entre l' orateur et le véritable philosophe.
Cicéron.
Pour avoir vécu du temps de Platon, et
avoir même été son disciple, il me semble
que vous avez bien peu profité de cet
avantage.
Démosthène.
N' avez-vous donc rien remarqué dans mes
oraisons, vous qui les avez si bien lues, qui
sentît les maXImes de Platon et sa manière de
persuader ?
Cicéron.
Ce n' est pas ce que je veux dire. Vous avez
été le plus grand orateur des grecs ; mais enfin
vous n' avez été qu' orateur. Pour moi, quoique
je n' aie jamais connu Platon que dans ses écrits,
et que j' aie vécu environ trois cents ans après
lui, je me suis efforcé de l' imiter dans la
philosophie : je l' ai fait connoître aux romains,
et j' ai le premier introduit chez eux ce genre
d' écrire ; en sorte que j' ai rassemblé, autant
que j' en ai été capable, en une même personne,
l' éloquence et la philosophie.
Démosthène.
Et vous croyez avoir été un grand philosophe ?
Cicéron.
S' il suffit, pour l' être, d' aimer la sagesse, et
de travailler à acquérir la science et la vertu,
je crois me pouvoir donner ce titre sans trop
de vanité.
Démosthène.
Pour orateur, j' en conviens, vous avez été
le premier de votre nation ; et les grecs même
de votre temps vous ont admiré : mais pour
philosophe, je ne puis en convenir ; on ne l' est
pas à si bon marché.
Cicéron.
Vous ne savez pas ce qu' il m' en a coûté,
mes veilles, mes travaux, mes méditations,
les livres que j' ai lus, les maîtres que j' ai
écoutés, les traités que j' ai composés.
Démosthène.
Tout cela n' est point la philosophie.
Cicéron.
Que faut-il donc de plus ?
Démosthène.
Il faut faire ce que vous avez dit de Caton
en vous moquant de lui : étudier la philosophie,
non pour découvrir les vérités qu' elle enseigne,
afin d' en raisonner comme font la plupart
des hommes, mais pour la réduire en pratique.
Cicéron.
Et ne l' ai-je pas fait ? N' ai-je pas vécu
conformément à la doctrine de Platon et
d' Aristote, que j' avois embrassée ?
Démosthène.
Laissons Aristote, je lui disputerois
peut-être la qualité de philosophe ; et je ne puis
avoir grande opinion d' un grec qui s' est
attaché à un roi, et encore à Philippe. Pour
Platon, je vous maintiens que vous n' avez jamais
suivi ses maXImes.
Cicéron.
Il est vrai que, dans ma jeunesse et pendant
la plus grande partie de ma vie, j' ai suivi la
vie active et laborieuse de ceux que Platon
appelle politiques : mais quand j' ai vu que ma
patrie avoit changé de face, et que je ne
pouvois plus lui être utile par les grands emplois,
j' ai cherché à la servir par les sciences, et je
me suis retiré dans mes maisons de campagne
pour m' appliquer à la contemplation et à
l' étude de la vérité.
Démosthène.
C' est-à-dire que la philosophie a été votre
pis-aller, quand vous n' avez plus eu de part
au gouvernement, et que vous avez voulu vous
distinguer par vos études : car vous y avez plus
cherché la gloire que la vertu.
Cicéron.
Il ne faut point mentir, j' ai toujours aimé
la gloire, comme une suite de la vertu.
Démosthène.
Dites mieux, beaucoup la gloire et peu la
vertu.
Cicéron.
Sur quel fondement jugez-vous si mal de
moi ?
Démosthène.
Sur vos propres discours. Dans le même
temps que vous faisiez le philosophe, n' avez-vous
pas prononcé ces beaux discours où vous
flattiez César votre tyran plus bassement que
Philippe ne l' étoit par ses esclaves ? Cependant
on sait comme vous l' aimiez ; il y a bien paru
après sa mort, et de son vivant vous ne
l' épargniez pas dans vos lettres à Atticus.
Cicéron.
Il falloit bien s' accommoder au temps, et
tâcher d' adoucir le tyran, de peur qu' il ne fît
encore pis.
Démosthène.
Vous parlez en bon orateur et en mauvais
philosophe. Mais que devint votre philosophie
après sa mort ? Qui vous obligea de rentrer
dans les affaires ?
Cicéron.
Le peuple romain, qui me regardoit comme
son unique appui.
Démosthène.
Votre vanité vous le fit croire, et vous livra
à un jeune homme dont vous étiez la dupe.
Mais enfin revenons à notre point ; vous avez
toujours été orateur, et jamais philosophe.
Cicéron.
Vous, avez-vous jamais été autre chose ?
Démosthène.
Non, je l' avoue ; mais aussi n' ai-je jamais
fait d' autre profession. Je n' ai trompé
personne : j' ai compris de bonne heure qu' il
falloit choisir entre la rhétorique et la
philosophie ; que chacune demandoit un homme
entier. Le desir de la gloire m' a touché : j' ai cru
qu' il étoit beau de gouverner un peuple par
mon éloquence, et de résister à la puissance
de Philippe, n' étant qu' un simple citoyen, fils
d' un artisan. J' aimois le bien public, et la
liberté de la Grèce ; mais, je l' avoue à présent,
je m' aimois encore plus moi-même, et j' étois
fort sensible au plaisir de recevoir une
couronne en plein théâtre, et de laisser ma statue
dans la place publique avec une belle inscription.
Maintenant je vois les choses d' une autre
manière, et je comprends que Socrate avoit
raison, quand il soutenoit à Gorgias " que
l' éloquence n' étoit pas une si belle chose qu' il
pensoit ; dût-il arriver à sa fin, et rendre un
homme maître absolu dans sa république. "
nous y sommes arrivés, vous et moi : avouez
que nous n' en avons pas été plus heureux.
Cicéron.
Il est vrai que notre vie n' a été pleine que
de travaux et de périls. Je n' eus pas sitôt
défendu Roscius, qu' il fallut m' enfuir en Grèce
pour éviter l' indignation de Sylla. L' accusation
de Verrès m' attira bien des ennemis. Mon
consulat, le temps de ma plus grande
gloire, fut aussi le temps de mes plus grands
travaux et de mes plus grands périls : je fus
plusieurs fois en danger de ma vie, et la haine
dont je me chargeai alors éclata ensuite par
mon eXIl. Enfin ce n' est que mon éloquence
qui a causé ma mort ; et si j' avois moins poussé
Antoine, je serois encore en vie. Je ne vous
dis rien de vos malheurs ; il seroit inutile de
vous les rappeler : mais il ne nous en faut
prendre, l' un et l' autre, qu' au destin, ou, si
vous voulez, à la fortune, qui nous a fait naître
dans des temps si corrompus, qu' il étoit
impossible de redresser nos républiques, ni
même d' empêcher leur ruine.
Démosthène.
C' est en quoi nous avons manqué de jugement,
entreprenant l' impossible ; car ce n' est
point notre peuple qui nous a forcés à prendre
soin des affaires publiques, et nous n' y étions
point engagés par notre naissance. Je pardonne
à un prince né dans la pourpre de gouverner
le moins mal qu' il peut un état que les
dieux lui ont confié en le faisant naître d' une
certaine race, puisqu' il ne lui est pas libre de
l' abandonner, en quelque mauvais état qu' il
se trouve : mais un simple particulier ne doit
songer qu' à se régler soi-même et gouverner
sa famille ; il ne doit jamais desirer les charges
publiques, moins encore les rechercher. Si on
le force à les prendre, il peut les accepter par
l' amour de la patrie ; mais dès qu' il n' a pas la
liberté de bien faire, et que ses citoyens
n' écoutent plus les lois ni la raison, il doit
rentrer dans la vie privée, et se contenter
de déplorer
les calamités publiques qu' il ne peut détourner.
Cicéron.
à votre compte, mon ami Pomponius Atticus étoit
plus sage que moi, et que Caton même, que nous
avons tant vanté.
Démosthène.
Oui, sans doute, Atticus étoit un vrai philosophe.
Caton s' opiniâtra mal à propos à vouloir
redresser un peuple qui ne vouloit plus
vivre en liberté, et vous cédâtes trop facilement
à la fortune de César ; du moins vous
ne conservâtes pas assez votre dignité.
Cicéron.
Mais enfin l' éloquence n' est-elle pas une
bonne chose, et un grand présent des dieux ?
Démosthène.
Elle est très bonne en elle-même : il n' y a
que l' usage qui en peut être mauvais, comme
de flatter les passions du peuple, ou de contenter
les nôtres. Et que faisions-nous autre
chose dans nos déclamations amères contre
nos ennemis, moi contre Midias ou Eschine,
vous contre Pison, Vatinius ou Antoine ?
Combien nos passions et nos intérêts nous ont-ils
fait offenser la vérité et la justice ! Le
véritable usage de l' éloquence est de mettre la
vérité en son jour, et de persuader aux autres ce qui
leur est véritablement utile, c' est-à-dire la
justice et les autres vertus ; c' est l' usage qu' en
a fait Platon, que nous n' avons imité ni l' un
ni l' autre.

Revenir en haut Aller en bas
 
François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 32
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 8
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 24
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 40
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 56
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 72

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: