PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 34

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 34 Empty
MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 34   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 34 Icon_minitimeMar 29 Jan 2013 - 9:51

DIALOGUE 34
Camille Et Fabius MaXImus.
La générosité et la bonne foi sont plus utiles dans
la politique que la finesse et les détours.
Fabius.
C' est aux trois juges à nous régler pour le
rang, puisque vous ne voulez pas me céder ;
ils décideront, et je les crois assez justes pour
préférer ces grandes actions de la guerre
punique, où la république étoit déja puissante et
admirée de toutes les nations éloignées, aux
petites guerres de Rome naissante, pendant
lesquelles on combattoit toujours aux portes
de la ville.
Camille.
Ils n' auront pas grande peine à décider entre
un romain qui a été cinq fois dictateur,
quoiqu' il n' ait jamais été consul, qui a triomphé
quatre fois, qui a mérité le titre de second
fondateur de Rome, et un autre citoyen qui
n' a fait que temporiser par finesse, et fuir devant
Annibal.
Fabius.
J' ai plus mérité que vous le titre de second
fondateur ; car Annibal et toute la puissance
des carthaginois dont j' ai délivré Rome étoient
un mal plus redoutable que l' incursion d' une
foule de barbares que vous avez dissipés. Vous
serez bien embarrassé quand il faudra comparer
la prise de Véies, qui étoit un village,
avec celle de la superbe et belliqueuse Tarente,
cette seconde Lacédémone, dont elle étoit une
colonie.
Camille.
Le siège de Véies étoit plus important aux
romains que celui de Tarente. Il n' en faut
pas juger par la grandeur de la ville, mais par
les maux qu' elle causoit à Rome. Véies étoit
alors à proportion plus forte pour Rome naissante,
que Tarente ne le fut dans la suite pour
Rome qui avoit augmenté sa puissance par
tant de prospérité.
Fabius.
Mais cette petite ville de Véies, vous
demeurâtes dix ans à la prendre ; le siège dura
autant que celui de Troie : aussi entrâtes-vous
dans Rome après cette conquête sur un chariot
triomphal, traîné par quatre chevaux blancs.
Il vous fallut même des voeux pour parvenir
à ce grand succès ; vous promîtes aux dieux
la dixième partie du butin. Sur cette parole
ils vous firent prendre la ville ; mais dès qu' elle
fut prise, vous oubliâtes vos bienfaiteurs, et
vous donnâtes le pillage aux soldats, quoique
les dieux méritassent la préférence.
Camille.
Ces fautes-là se font sans mauvaise volonté
dans le transport que cause une victoire remportée.
Mais les dames romaines payèrent mon voeu ;
car elles donnèrent tout l' or de leurs joyaux
pour faire une coupe d' or du poids de huit
talents, qu' on offrit au temple de Delphes : aussi
le sénat ordonna qu' on feroit
l' éloge public de chacune de ces généreuses
femmes après sa mort.
Fabius.
Je consens à leur éloge, et point au vôtre.
C' est vous qui avez violé votre voeu ; ce sont
elles qui l' ont accompli.
Camille.
On ne peut point me reprocher d' avoir jamais
manqué volontairement à la bonne foi, j' en ai
donné une bonne marque.
Fabius.
Je vois déja venir de loin notre maître d' école
tant de fois rebattu.
Camille.
Ne pensez pas vous en moquer ; le maître
d' école me fait grand honneur. Les falériens
avoient, à la mode des grecs, un homme
instruit des lettres pour élever leurs enfants
en commun, afin que la société, l' émulation,
et les maXImes du bien public, les rendissent
encore plus les enfants de la république que
de leurs parents : le traître me vint livrer
toute la jeunesse des falériens. Il ne tenoit
qu' à moi de subjuguer le peuple, ayant de si
précieux otages : mais j' eus horreur du traître
et de la trahison. Je ne fis pas comme ceux
qui ne sont qu' à demi gens de bien, et qui
aiment la trahison quoiqu' ils détestent le
traître ; je commandai au licteur de déchirer
les habits du maître d' école, je lui fis lier les
mains derrière le dos, et je chargeai les enfants
de le ramener en le fouettant jusque dans
leur ville. Est-ce avoir de la bonne foi ?
Qu' en croyez-vous, Fabius ? Parlez.
Fabius.
Je crois que cette action est belle, et elle
vous relève plus que la prise de Véies.
Camille.
Mais savez-vous la suite ? Elle marque bien ce
que fait la vertu, et combien la générosité est
plus utile pour la politique même que la finesse.
Fabius.
N' est-ce pas que les falériens, touchés de
votre bonne foi, vous envoyèrent des ambassadeurs
pour se mettre eux et leur ville à
votre discrétion, disant qu' ils ne pouvoient
rien faire de meilleur pour leur patrie, que
de la soumettre à un homme si juste et si
ennemi du crime ?
Camille.
Il est vrai : mais je renvoyai leurs ambassadeurs
à Rome, afin que le sénat et le peuple décidassent.
Fabius.
Vous craigniez l' envie et la jalousie de vos
concitoyens.
Camille.
N' avois-je pas raison ? Plus on pratique la
vertu au-dessus des autres, plus on doit
craindre d' irriter leur jalousie ; d' ailleurs je
devois cette déférence à la république. Mais on ne
voulut point décider ; on me renvoya les
ambassadeurs, et je finis l' affaire, comme je
l' avois commencée, par un procédé généreux. Je
laissai les falériens en liberté se gouverner
eux-mêmes selon leurs lois ; je fis avec eux
une paix juste et honorable pour leur ville.
Fabius.
J' ai ouï dire que les soldats de votre armée
furent bien irrités de cette paix, car ils
espéroient un grand pillage.
Camille.
Ne devois-je pas préférer la gloire de Rome
et mon honneur à l' avarice des soldats ?
Fabius.
J' en conviens. Mais revenons à notre question ;
vous ne savez peut-être pas que j' ai
donné des marques de probité plus fortes que
l' affaire de votre maître d' école.
Camille.
Non, je ne le sais point, et je ne saurois me
le persuader.
J' avois réglé avec Annibal qu' on échangeroit
dans les deux armées les prisonniers, et
que ceux qui ne pourroient être échangés
seroient rachetés deux cent cinquante drachmes
pour chaque homme. L' échange achevé, on
trouva qu' il y avoit encore, au-delà du nombre
des carthaginois, deux cent cinquante romains
qu' il falloit racheter. Le sénat désapprouve
mon traité et refuse le paiement : j' envoie
mon fils à Rome pour vendre mon bien, et je paie
à mes dépens toutes les rançons que le sénat ne
vouloit point payer. Vous n' étiez généreux qu' aux
dépens de la république ; mais moi je l' ai été sur
mon propre compte : vous ne l' aviez été que de
concert avec le sénat, je l' ai été contre le sénat
même.
Camille.
Il n' est pas difficile à un homme de coeur
de sacrifier un peu d' argent pour se procurer
tant de gloire. Pour moi, j' ai montré ma générosité
en sauvant ma patrie ingrate : sans moi, les
gaulois ne vous auroient pas même laissé une ville
de Rome à défendre. Allons trouver Minos afin
qu' il finisse notre contestation, et règle nos
rangs.


Revenir en haut Aller en bas
 
François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 34
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 8
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 24
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 40
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 56
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 72

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: