PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 48

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 48 Empty
MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 48   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 48 Icon_minitimeMar 29 Jan - 9:57

DIALOGUE 48

Antonin Pie Et Marc Aurèle.
Il faut aimer sa patrie plus que sa famille.
Marc Aurèle.
ô mon père, j' ai grand besoin de venir me
consoler avec vous. Je n' eusse jamais cru
pouvoir sentir une si vive douleur, ayant été
nourri dans la vertu insensible des stoïciens,
et étant descendu dans ces demeures bienheureuses
où tout est si tranquille.
Antonin.
Hélas ! Mon pauvre fils, quel malheur te
jette dans ce trouble ? Tes larmes sont bien
indécentes pour un stoïcien. Qu' y a-t-il donc ?
Marc Aurèle.
Ah ! C' est mon fils Commode que je viens
de voir : il a déshonoré notre nom si aimé du
peuple. C' est une femme débauchée qui l' a
fait massacrer pour prévenir ce malheureux,
parcequ' il l' avoit mise dans une liste de gens
qu' il devoit faire mourir.
Antonin.
J' ai su qu' il a mené une vie infame. Mais
pourquoi as-tu négligé son éducation ? Tu es
cause de son malheur ; il a bien plus à se
plaindre de ta négligence qui l' a perdu, que tu n' as
à te plaindre de ses désordres.
Marc Aurèle.
Je n' avois pas le loisir de penser à un enfant ;
j' étois toujours accablé de la multitude des
affaires d' un si grand empire et des guerres
étrangères ; je n' ai pourtant pas laissé d' en
prendre quelque soin. Hélas ! Si j' eusse été un
simple particulier, j' aurois moi-même instruit
et formé mon fils, je l' aurois laissé honnête
homme ; mais je lui ai laissé trop de puissance
pour lui laisser de la modération et de la vertu.
Antonin.
Si tu prévoyois que l' empire dût le gâter, il
falloit s' abstenir de le faire empereur, et pour
l' amour de l' empire qui avoit besoin d' être
bien gouverné, et pour l' amour de ton fils qui
eût mieux valu dans une condition médiocre.
Marc Aurèle.
Je n' ai jamais prévu qu' il se corromproit.
Antonin.
Mais ne devois-tu pas le prévoir ? N' est-ce
point que la tendresse paternelle t' a aveuglé ?
Pour moi, je choisis en ta personne un
étranger, foulant aux pieds tous les intérêts de ma
famille : si tu en avois fait autant, tu n' aurois
pas tant de déplaisirs. Mais ton fils te fait
autant de honte que tu m' as fait d' honneur.
Dis-moi la vérité, ne voyois-tu rien de mauvais
dans ce jeune homme ?
Marc Aurèle.
J' y voyois d' assez grands défauts, mais
j' espérois qu' il se corrigeroit.
Antonin.
C' est-à-dire que tu en voulois faire
l' expérience aux dépens de l' empire. Si tu avois
sincèrement aimé la patrie plus que ta famille,
tu n' aurois pas voulu hasarder le bien public
pour soutenir la grandeur particulière de ta
maison.
Marc Aurèle.
Pour parler ingénument, je n' ai jamais eu
d' autre intention que celle de préférer
l' empire à mon fils. Mais l' amitié que j' avois pour
mon fils m' a empêché de l' observer d' assez
près. Dans le doute, je me suis flatté, et
l' espérance a séduit mon coeur.
Antonin.
ô quel malheur, que les meilleurs hommes
soient si imparfaits, et qu' ayant tant de peine
à faire du bien, ils fassent souvent sans le
vouloir des maux irréparables !
Marc Aurèle.
Je le voyois bien fait, adroit à tous les
exercices
du corps, et environné de sages conseillers
qui avoient eu ma confiance, et qui pouvoient
modérer sa jeunesse. Il est vrai que son
naturel étoit léger, violent, adonné au
plaisir.
Antonin.
Ne connoissois-tu dans Rome aucun homme
plus digne de l' empire du monde ?
Marc Aurèle.
J' avoue qu' il y en avoit plusieurs ; mais je
croyois pouvoir préférer mon fils, pourvu qu' il
eût de bonnes qualités.
Antonin.
Que signifioit donc ce langage de vertu si
héroïque, quand tu écrivois à Faustine que si
Avidius Cassius étoit plus digne de l' empire
que toi et ta famille, il falloit consentir qu' il
prévalût et que ta famille pérît avec toi ?
Pourquoi ne suivre point ces grandes maXImes,
lorsqu' il s' agissoit de choisir un successeur ?
Ne devois-tu pas à la patrie de préférer le plus
digne ?
Marc Aurèle.
J' avoue ma faute : mais la femme que tu
m' avois donnée avec l' empire, et dont j' ai
souffert les désordres par reconnoissance pour
toi, ne m' a jamais permis de suivre la pureté
de ces maXImes. En me donnant ta fille avec
l' empire, tu fis la première faute, dont la
mienne a été la suite. Tu me fis deux présents,
dont l' un a gâté l' autre, et m' a empêché d' en
faire un bon usage. J' avois de la peine à
m' excuser en te blâmant : mais enfin tu me presses
trop. N' as-tu pas fait pour ta fille ce que tu
me reproches d' avoir fait pour mon fils ?
Antonin.
En te reprochant ta faute, je n' ai garde de
désavouer la mienne. Mais je t' avois donné
une femme qui n' avoit aucune autorité ; elle
n' avoit que le nom d' impératrice : tu pouvois
et tu devois la répudier selon les lois, quand
elle eut une mauvaise conduite. Enfin il falloit
au moins t' élever au-dessus des importunités
d' une femme. De plus, elle étoit morte,
et tu étois libre, quand tu laissas l' empire à
ton fils. Tu as reconnu le naturel léger et
emporté de ce fils ; il n' a songé qu' à donner des
spectacles, qu' à tirer de l' arc, qu' à percer les
bêtes farouches, qu' à se rendre aussi farouche
qu' elles, qu' à devenir un gladiateur, qu' à
égarer son imagination, allant tout nu avec une
peau de lion, comme s' il eût été Hercule, qu' à
se plonger dans des vices qui font horreur, et
qu' à suivre tous ses soupçons avec une cruauté
monstrueuse. ô mon fils, cesse de t' excuser :
un homme si insensé et si méchant ne pouvoit
tromper un homme aussi éclairé que toi,
si la tendresse n' avoit point affoibli ta
prudence et ta vertu.



Revenir en haut Aller en bas
 
François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 48
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 8
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 24
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 40
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 56
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 72

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: