La Dînette.
La jolie chose que la dînette! C'est, comme on veut, très simple ou très
compliqué. On peut la faire avec rien du tout. Dans ce cas il faut beaucoup
d'imagination.
Thérèse et sa petite soeur Pauline ont invité Pierre et Marthe à une dînette à
la campagne. C'est une dînette priée. On en a parlé longtemps à l'avance. La
maman des deux soeurs a donné des conseils; elle a donné aussi des friandises.
Il y aura des nougats et des éclairs, une crème au chocolat. La table sera
dressée sous la tonnelle.
« Pourvu qu'il fasse beau! » s'écrie Thérèse, qui a déjà neuf ans. A son âge on
sait que les plus douces espérances sont souvent trompées en ce monde et qu'on
ne peut pas toujours faire ce qu'on se propose. Mais la petite Pauline ne se
trouble point ainsi. Elle ne saurait prévoir le mauvais temps. Il fera beau:
elle le veut.
Et voici que le jour de la dînette s'est levé pur et radieux. Pas un nuage dans
l'air. Les deux invités sont venus. Quel bonheur! Car c'était là pour Thérèse
un autre sujet d'inquiétude. Marthe était enrhumée et l'on pouvait craindre
qu'elle ne fût point guérie à temps. Quant au petit Pierre, tout le monde sait
qu'il manque toujours le train. On ne peut pas lui en faire un reproche. C'est
son malheur, et ce n'est point sa faute. Sa maman est d'un naturel inexact.
Partout, toujours le petit Pierre arrive après les autres; il n'a vu le
commencement de rien. Il en a pris un air de stupeur et de résignation.
Par extraordinaire, il s'est rendu exactement à l'invitation des deux soeurs.
Cette fois sa maman n'a pas manqué le train, parce qu'elle s'est trompée
d'heure.
Le couvert est mis. A table pour la dînette! C'est Thérèse qui sert. Elle est
pensive et sérieuse, car des instincts de ménagère s'éveillent dans son coeur.
Pierre découpe galamment. Le nez dans l'assiette et les coudes par-dessus la
tête, il divise avec effort une cuisse de poulet. Il n'y a pas jusqu'à ses pieds
qui ne participent à son action. Mademoiselle Marthe mange avec élégance, sans
grands mouvements, sans bruit, comme les dames. Pauline y fait moins de façon:
elle mange comme elle peut et tant qu'elle peut.
Thérèse, tour à tour servante et convive, est contente. Contentement passe joie.
Le petit chien Gyp est venu manger les restes, et Thérèse songe, en le voyant
croquer les os, que les chiens n'ont point inventé toutes les délicatesses qui
font des repas des hommes et des dînettes des enfants quelque chose d'exquis.