IV
Florent Guillaume s’était gîté dans le clocher pour la
nuit. Il y avait froid. Le vent y entrait par les abat-son et y
faisait un chant de flûtes et d’orgues à réjouir les chats et les
hiboux.
Ce n’était pas la seule incommodité de ce logis. Depuis
le tremblement de terre de 1427 qui avait ébranlé toute
l’église, la flèche tombait pierre par pierre et menaçait de
s’écrouler tout entière dans une tempête. Notre-Dame avait
permis ce dommage à cause des péchés du peuple. Cependant
Florent Guillaume s’endormit. Et c’est signe qu’il avait le
coeur pur. Des songes qu’il fit, le souvenir est perdu, sinon
qu’il lui sembla, dans son sommeil, qu’une dame
parfaitement belle le baisait sur la bouche. Mais quand ses
lèvres voulurent correspondre à ce baiser, il avala deux ou
trois cloportes qui, cheminant sur son visage, avaient causé
l’illusion de ses esprits assoupis. Il s’en éveilla, entendit un
bruit d’ailes sur sa tête et crut que c’était un diable, comme il
était naturel de le croire, puisque les diables viennent en
troupes innombrables tourmenter les hommes, spécialement
la nuit. Mais la lune, en ce moment, ayant déchiré les nuages,
il reconnut Mme Ysabeau et vit qu’elle poussait du bec, dans
la fente du mur qui lui servait de magasin, une bourse bleue,
brodée d’argent. Il la laissa faire, et quand elle eut quitté sa
cachette, il grimpa sur une poutre, prit la bourse, l’ouvrit, et
s’aperçut qu’elle contenait douze moutons d’or, qu’il mit
dans sa ceinture, en rendant grâce à la belle Dame noire du
Puy, car il était clerc et versé dans les Écritures, et il avait
présent à l’esprit que le Seigneur fit nourrir par un corbeau
son prophète Élie, d’où il inférait que la Sainte Mère de Dieu
avait envoyé par une pie douze deniers à son écrivain, Florent
Guillaume.
Le lendemain Florent et Marguerite la dentellière
mangèrent une écuelle de tripes, dont ils avaient grande envie
depuis plusieurs années.
Ainsi finit le miracle de la pie. Puisse celui qui l’a conté
vivre, conformément à ses désirs, en bonne et douce paix, et
tous biens advenir à ceux qui le liront.