Rappel du premier message :
I La Cavalcade.
Si vous descendez de nuit la dernière côte de la route de Saint-Malo à Dol,
entre Saint-Benoît- des-Ondes et Cancale, pour peu qu’il y ait un léger voile de
brume sur le sol plat du Marais, vous ne savez de quel côté de la digue est la
grève, de quel côté la terre ferme. À droite et à gauche, c’est la même
intensité morne et muette.
Nul mouvement de terrain n’indique la campagne habitée; vous diriez que la route
court entre deux grandes mers.
C’est que les choses passées ont leurs spectres comme les hommes décédés; c’est
que la nuit évoque le fantôme des mondes transformés aussi bien que les ombres
humaines.
Où passe à présent le chemin, la mer roula ses flots rapides. Ce marais de Dol,
aux moissons opulentes, qui étend à perte de vue son horizon de pommiers trapus,
c’était une baie. Le mont Dol et Lîlemer étaient deux îles, tout comme Saint-
Michel et Tombelène. Pour trouver le village, il fallait gagner les abords de
Châteauneuf, où la mare de Saint-Coulman reste comme une protestation de la mer
expulsée.