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 Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol

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MessageSujet: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:38

VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol.

Les partisans de la bonne Fée, déconcertée par la question de maître Gueffès, ne
s’attendaient pas à cet auxiliaire qui leur venait tout à coup en aide.

Le petit Jeannin était plutôt toléré qu’accueilli dans l’assemblée des notables
du village de Saint-Jean, et d’habitude on ne lui accordait point la parole.

Mais l’homme qui a une idée grandit tout à coup, et depuis le moment où Simon Le
Priol avait dit: « La bonne Fée donne tout ce qu’on lui demande », Jeannin avait
une idée.

Il était debout devant l’âtre, le front rouge et haut, mais les yeux baissés.

Tous les regards étonnés se fixaient sur lui.

-Ah! tu l’as vue, toi, petiot? dit Gueffès, avec son air moqueur.

-Oui, moi, je l’ai vue, répondit Jeannin.

-Il l’a vue! il l’a vue! répétait-on à la ronde.

-Et où l’as-tu vue? demanda Gueffès.

-Ici, devant la porte.

-Quand? -Hier.

-À quelle heure? -À minuit.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:38

Toutes ces réponses furent faites rondement et d’un ton assuré.

Mais Vincent Gueffès allongea sa mâchoire en un sourire méchant.

-Ah! ah! petiot! dit-il, et que fais-tu à minuit, si loin de ton trou, devant la
porte de Simon Le Priol? Détourner la question est le fort de la diplomatie
normande.

Le petit Jeannin se campa crânement devant Gueffès et répondit: -Là, ou
ailleurs, je fais ce que je veux. Et souvenez-vous du jeu que le Breton proposa
au Français, dans l’auberge des Quatre Besans d’or: du jeu qui se joue sans
table ni tapis, maître Vincent Gueffès, avec deux gaules d’une toise.

Bon pied, bon oeil, main alerte, et à la grâce de Dieu! Ma foi, Simon Le Priol
ne put s’empêcher de rire, et ce ne fut pas aux dépens du petit Jeannin.

Simonnette était toute rose de plaisir.

Fanchon, la ménagère, but un coup d’hypocras pour cacher sa gaieté.

Les quatre Mathurin écrasèrent, dans leur contentement, les pieds des quatre
Gothon.

Maître Gueffès ne broncha pas.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:39

-Un bâton d’une toise ne prouve pas que mensonge soit parole d’Évangile, dit-il.
Que faisait la fée quand tu l’as vue! -Elle se baissait sur le seuil pour
ramasser un gâteau de froment.

-Ça, c’est la vérité, appuya la ménagère; j’avais mis un gâteau de froment sur
la porte.

-Et comment est-elle faite, la Fée, petiot? demanda encore maître Gueffès.

Jeannin hésita.

-Elle est belle, répliqua-t-il enfin, belle comme un ange... presque aussi belle
que le fille de Simon Le Priol.

Simon et sa femme froncèrent le sourcil à la fois.

Maître Vincent Gueffès ouvrait sa large bouche pour lancer quelque trait
envenimé qui pût venger sa défaite, car il était vaincu, lorsque le pas d’un
cheval se fit entendre sur le chemin.

Tout le monde se leva.

-Julien! Julien! s’écria-t-on, Julien Le Priol! nous allons avoir des nouvelles
de la ville! Le cheval s’arrêta en dehors de la porte qui s’ouvrit.

Julien Le Priol, fils de Simon, entra.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:39

C’était un beau gars de vingt ans, fortement découplé: cheveux noirs, oeil vif
et franc, un gars qui s’était plus souvent tourné, pour respirer, du côté du bon
air des grèves que du côté de l’atmosphère lourde et tiède du Marais. Il baisa
sa mère et Simonnette.

-Quelles nouvelles, garçon? demanda le père.

-Mauvaises! répliqua Julien, en jetant sur la table les lames de faux qu’il
était allé acheter chez le taillandier de Dol; mauvaises! Ce ne sont pas des
malfaiteurs qui ont saccagé le manoir de Saint-Jean et ce n’est pas par dérision
qu’on a planté au bas du perron le poteau de la justice ducale. Monsieur Hue de
Maurever, notre seigneur, est accusé de haute trahison.

-De haute trahison! répéta Le Priol stupéfait.

Les nouvelles, en ce temps-là, ne couraient point la poste. Le hameau de Saint-
Jean, qui était situé en vue du Mont, à cinq ou six lieues d’Avranches, ne
savait pas encore ce qui s’était passé, à quinze jours de là, dans la basilique
du monastère.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:39

Une nuit de la semaine qui venait de s’écouler, le manoir de Saint-Jean avait
été saccagé de fond en comble par des mains invisibles. Les villageois effrayés
avaient entendu des chants et des cris. Le lendemain, il n’y avait plus un seul
serviteur au manoir désolé.

Et, devant la grand’porte, un écriteau aux armes de Bretagne portait ces mots
que Vincent Gueffès avait déchiffrés: Justice ducale.

Du reste, les maîtres étaient absents depuis du temps, et, quand les pillards
étaient venus, ils n’avaient trouvé que des valets au manoir.

Le lendemain, à travers les fenêtres désemparées, les gens du village avaient
jeté leurs regards à l’intérieur du château. Il n’y avait plus que les murailles
nues.

Julien était assis entre son père et sa mère.

Tout le monde l’interrogeait des yeux. Il y avait sur son visage une émotion
grave et triste.
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-Quand monsieur Hue de Maurever, commença-t-il avec lenteur, me conduisit au
château du Guildo, apanage de monsieur Gilles de Bretagne, je vis de belles
fêtes, mon père et ma mère! Il était jeune, monsieur Gilles de Bretagne et fier,
et brillant.

Maintenant, il est couché dans un cercueil de plomb, sous les dalles de quelque
chapelle. Et tout le monde sait bien qu’il est mort empoisonné! -Mon fils
Julien, dit Simon Le Priol, nous avons prié Dieu pour le salut de son âme. Que
peuvent faire de plus des chrétiens? -Nous autres! répliqua le jeune homme en
jetant un regard sur son habit de paysan, rien...

mais monsieur Hue de Maurever est un chevalier! Voilà ce qu’ils disent, mon père
et ma mère, sur le marché de Dol: Notre seigneur François était jaloux de
monsieur Gilles, son frère. Il le fit enlever nuitamment du manoir du Guildo par
Jean, sire de la Haise, qui n’est pas un Breton, et Olivier de Méel qui est un
lâche! Jean de la Haise enferma monsieur Gilles dans la tour de Dinan. Et comme
le pauvre jeune seigneur, prisonnier, faisait des signaux au travers de la
Rance, Robert Roussel - un damné! -l’emmena jusqu’à Châteaubriant où les cachots
sont sous la terre.
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Les cachots de Châteaubriant ne parurent point pourtant assez profonds. Jean de
la Haise et Robert Roussel mirent leurs hommes d’armes à cheval par une nuit
d’hiver, et conduisirent monsieur Gilles à Moncontour.

À Moncontour, il y a des hommes. On plaignait monsieur Gilles. Jean de la Haise
et Robert Roussel fermèrent sur lui les portes de la forteresse de Touffon.

Et comme Touffon est trop près d’un village, on chercha encore. On trouva, au
milieu d’une forêt déserte, le château de la Hardouinays, où monsieur Gilles a
rendu son âme à Dieu...

Mon père et ma mère, je ne suis qu’un vilain, mais mon coeur se soulève à la
pensée de ce qu’a dû souffrir le fils de Bretagne avant de mourir.

Jean de la Haise et Robert Roussel se fatiguaient de garder le captif. Ils
voulurent d’abord le tuer par la faim...

-Oh! interrompit Fanchon, la métayère, qui ne put retenir un cri d’horreur.

Le même cri s’échappa de toutes les poitrines oppressées.

Maître Gueffès tout seul garda un silence glacé.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:39

-Gilles de Bretagne, reprit Julien, était dans un cachot dont le soupirail
donnait dans des broussailles, au ras du sol. On fut deux jours sans lui porter
à manger, puis trois jours, puis toute une semaine. Au bout de ce temps, Jean de
la Haise et Robert Roussel descendirent au cachot pour fournir la sépulture
chrétienne au cadavre.

Mais il n’y avait pas de cadavre. Gilles de Bretagne vivait encore. Un ange
avait veillé sur les jours de la pauvre victime.

Un ange! Et vous l’avez vu, ce bel ange aux blonds cheveux et au doux sourire,
cet ange qui porta si longtemps dans notre pays la consolation charitable...

-Mademoiselle Reine! murmura Simonnette, dont les beaux yeux noirs se
mouillèrent.

-Oh! la chère demoiselle! que Dieu la bénisse! s’écria-t-on tout d’une voix.

La vilaine voix de maître Gueffès manquait seule à ce concert.

-Reine de Maurever! répéta Julien d’un accent enthousiaste; oui, c’était elle,
c’était Reine de Maurever! Chaque soir elle venait, bravant le carreau des
arbalètes ou la balle des arquebuses, elle venait apporter du pain au captif.

Mais quand les deux bourreaux geôliers virent que la faim ne tuait pas monsieur
Gilles assez vite, ils achetèrent trois paquets de poison au Milanais Marco
Bastardi, l’âme damnée du sire de Montauban.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:40

Olivier de Méel lui-même recula devant la pensée de ce crime, et s’enfuit alors
du château de la Hardouinays. Robert Roussel et Jean de la Haise restèrent. Ces
deux-là sont maudits; l’enfer les soutient.

Un soir, Reine de Maurever vint, comme de coutume, déguisée en paysanne. Elle
frappa aux barreaux. Nul ne répondit. Monsieur Gilles était couché tout de son
long sur la paille humide.

Reine devina. Elle courut chercher son père qui se cachait dans les environs, et
un prêtre.

Monsieur Gilles put se lever sur son séant et se confessa à travers le
soupirail.

Quand il eut fini de se confesser, le prêtre lui demanda: -Gilles de Bretagne,
pardonnez-vous à vos ennemis?1 -Je pardonne à tous excepté à François de
Bretagne, mon frère, répondit le mourant, qui trouva un dernier éclair de vie;
Abel n’a point pardonné à Caïn. Pour le fratricide, point de pardon, car le
pardon serait une impiété! Je ne sais pas s’il se trompait en disant cela. Il se
leva sur ses jambes chancelantes et vint jusqu’au soupirail dont il saisit les
barreaux.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. VI Ce Que Julien Avait Appris Au Marché De Dol Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:40

-Prêtre, dit-il, tes pareils sont sans peur, parce qu’ils sont sans reproche. Va
vers le duc François, mon frère, mon seigneur et mon assassin. Dis-lui que
Gilles de Bretagne meurt en 1 Histoire de Bretagne.

le citant au tribunal de Dieu. Le feras-tu? Le prêtre hésitait.

-Moi, je le ferai, prononça Hue de Maurever parmi ses sanglots.

Car il aimait monsieur Gilles comme son fils.

Celui-ci tendit sa main à travers les barreaux.

Hue de Maurever la baisa en pleurant.

Puis monsieur Gilles murmura: Merci et tomba à la renverse.

Les uns disent que Jean de la Haise et Robert Roussel, lorsqu’ils vinrent le
soir, ne trouvèrent plus qu’un cadavre. Les autres affirment que Gilles de
Bretagne n’était pas encore défunt, et que les deux infâmes l’achevèrent en
l’étranglant de leurs mains.

Julien Le Priol fit une pause. Personne ne prit la parole. Chacun était frappé
de stupeur.
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