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| Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. | |
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Auteur | Message |
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James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:08 | |
| IX Maître Gueffès.
C’était bien maître Gueffès, le digne maître Gueffès, le mendiant-maquignon- clerc-normand, le prétendu de la belle Simonnette, le rival du petit Jeannin, maître Vincent Gueffès avec sa large mâchoire, son front étroit, ses bras de deux aunes.
Et maître Gueffès disait vrai par impossible: il était réellement venu au château pour parler au chevalier Méloir.
Le chevalier Méloir le considéra longtemps avec attention. -Mes compagnons, dit- il ensuite, il est rare de trouver un animal plus laid que ce pataud-là.
Tout le monde approuva de bon coeur.
-Mais vous savez, continua Méloir, quand on s’éveille comme cela en sursaut, on a la vue trouble et le sens engourdi. Peut-être avais-je la berlue, mes compagnons, peut-être ai-je vu de beaux cheveux blonds à la place de ces crins de sangliers, et une taille fine à la place de ce corps mal bâti...
Les hommes d’armes riaient. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:08 | |
| Gueffès tremblait de tous ses membres.
-Dieu me pardonne, acheva Méloir, je crois que c’est ce coquin qui m’a volé mon escarcelle! -Oh! mon bon seigneur, mon bon seigneur! s’écria maître Gueffès; je vous jure...
-Bien! bien, mon homme, interrompit Méloir, tu vas jurer tout ce qu’on voudra, mais moi, je vais te faire pendre! Gueffès se jeta à genoux.
-Mon cher seigneur, dit-il, les larmes aux yeux, et c’était la première fois de sa vie qu’il donnait de pareilles marques d’attendrissement, mon cher seigneur, la mort d’un pauvre innocent ne vous rendra point votre escarcelle, et si vous me laissez la vie sauve, je vous fournirai de quoi gagner les bonnes grâces du riche duc.
-Saurais-tu où se cache le traître Maurever? demanda vivement Méloir.
-Oui, mon cher seigneur, répliqua Gueffès sans hésiter.
Gueffès était trop homme d’affaires pour ne pas voir que la crise était passée.
Il se redressa un petit peu, et son oeil fit le tour du cercle.
-La vie sauve! répéta-t-il; vous êtes bien trop généreux, mon cher seigneur, pour ne pas ajouter quelque petite chose à cela.
-Allons! parle! s’écria Méloir.
Gueffès se redressa tout à fait. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:08 | |
| -Au clair de la lune, là-bas, sur le tertre, dit-il, tranquillement cette fois, j’ai vu passer votre escarcelle, mon cher seigneur. Oh! les beaux cheveux blonds et le gracieux sourire! -Parle donc! -Quatre jambes vont plus vite que deux.
Hommes d’armes! montez à cheval, si vous voulez suivre le conseil d’un pauvre honnête chrétien, descendez par le village et piquez droit aux Grèves. Vous trouverez l’escarcelle... et quand vous serez partis, ajouta-t-il en regardant Méloir en face, moi. je parlerai à mon cher seigneur.
-En route! cria Méloir.
-Et, si c’est un sorcier? insinua Kervoz, et qu’il vous étrangle, messire? Méloir regarda maître Gueffès en-dessous.
-Bah! fit-il, le jour va se lever, et j’aurai la main sur ma dague. En route! Homme d’armes et archers s’ébranlèrent. Les chevaux étaient tous préparés dans la cour. On entendit la grand’porte s’ouvrir, puis le bruit de la cavalcade, puis le silence se fit.
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:08 | |
| -Sarpebleu! grommela Méloir; ils vont revenir les mains vides! Ah! si j’avais mes douze lévriers de Rieux! Ma patience! ils doivent être à Dinan à cette heure, et nous les aurons demain.
-C’est donc vrai, monseigneur? dit bien respectueusement Gueffès.
-Quoi? -Que vous chasserez Maurever dans les Grèves avec des lévriers de race? - Que t’importe? -Cela m’importe beaucoup, mon cher seigneur, attendu que j’ai mis dans ma tête de gagner les cinquante écus nantais, promis par François de Bretagne à celui qui...
-Ah! ah! dit Méloir; est-ce aussi pour la fillette à Simon Le Priol? Gueffès devint tout jaune.
-Il y a donc quelqu’un, murmura-t-il, qui veut aussi gagner les cinquante écus nantais pour la fillette à Simon Le Priol? -Est-elle jolie? demanda Méloir au lieu de répondre.
-Elle est riche, répliqua Gueffès.
Méloir lui frappa sur l’épaule.
-Le bon compagnon que tu fais, ami Gueffès! s’écria-t-il. Mais j’y songe! nous n’aurons guère besoin de mes lévriers de Rieux, puisque tu sais où se cache M. Hue. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:09 | |
| -Ai-je dit que je le savais? -Oui, sarpebleu! sans cela...
-Ah! monseigneur! quand on a la corde au cou...
-Tu ne le sais donc pas? -Je le saurai, monseigneur.
Maître Gueffès avait un sourire assez irrévérencieux autour de son énorme mâchoire.
-Causons raison, reprit-il; moi, je vis dans ce pauvre trou de Saint-Jean-des- Grèves, et je ne sais pas les nouvelles. Pourtant on m’a dit que vous vouliez épouser Reine de Maurever.
-Ah! on t’a dit cela? -Mauvaise dot, monseigneur, pour un galant chevalier comme vous, que trois manoirs ruinés où il ne reste que des murailles.
-Et les tenances, mon ami Vincent.
-Et les tenances... mais les tenances et les murailles, vous les aurez sans la fille, puisque les domaines sont confisqués et que le duc François vous les a promis.
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:09 | |
| -Comment! s’écria Méloir, tu sais aussi cela! -Mon Dieu, messire, j’ai passé la soirée à écouter vos soudards ivres. Ils disent... mais je ne voudrais pas vous fâcher, mon cher seigneur.
-Que disent-ils? -Ils disent que la fille de Maurever veut épouser le gentilhomme d’armes, Aubry de Kergariou. -C’est bien possible, cela, maître Vincent.
-Est-ce que vous êtes philosophe comme le pauvre Gueffès? demanda humblement le Normand.
-Sarpebleu! s’écria Méloir en riant, voilà un coquin qui a de l’esprit comme quatre! Non, non! je ne suis pas si philosophe que cela, mon homme! Mais mon cousin Aubry est en prison...
et, s’il plaît à Dieu, il y restera longtemps.
-S’il plaît à Dieu! répéta Gueffès d’un air goguenard.
-Que veux-tu dire? -Ce que femme veut... commença le Normand.
-Bah! interrompit Méloir, vieux dicton moisi.
-...Dieu le veut, acheva paisiblement maître Gueffès, et si j’ai de l’esprit comme quatre, c’est mon cher seigneur qui a eu la bonté de me le dire, la fille de Maurever en a quatre fois plus que moi encore. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:09 | |
| -Tu la connais? -Je gagne ma vie ici et là; je vais un peu partout à l’occasion et, au besoin, je connais un peu tout le monde.
Méloir lui prit les deux bras et le mit en face de la résine pour le considérer plus attentivement.
-Il me semble que je t’ai déjà vu, murmura-t- il.
-Ce n’est pas impossible, répondit Gueffès, dont la lumière trop voisine faisait clignoter les yeux gris.
-À Avranches? -Peut-être à Avranches.
-Sur le passage du duc François un grigou cria...
-Duc! que Dieu t’oublie! prononça tout bas Gueffès.
-Par le ciel! maître Vincent, c’est toi qui était ce grigou! -Mon bon seigneur, je n’avais pas pu ramasser un seul carolus dans la largesse de François de Bretagne.
-Et tu te vengeais? -Une pauvre espièglerie, mon bon seigneur! Méloir lui lâcha les deux bras et se mit à réfléchir. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:09 | |
| -À ce jeu-là, continua tranquillement maître Gueffès, on gagne parfois autre chose que des piécettes blanches. Connaissez-vous le manoir du Guildo, monseigneur? -L’ancien fief de Gilles de Bretagne? -Un beau domaine, celui-là! Et qui vous irait bien, messire Méloir! Mais François l’a donné à Jean de la Haise. Ah! ce n’est pas pour dire que messire Jean ne l’a pas bien gagné! Pour en revenir à mon histoire, une fois, je criai aussi sur le passage de monsieur Gilles. C’était en la ville de Plancoët. Monsieur Gilles faisait largesse et je n’avais pu avoir qu’un denier breton dont il faut six pour faire un denier royal à douze du sol tournois. Je criai: « Monsieur Gilles a le feu Saint-Antoine sous sa belle cotte à mailles d’or ».
-Méchant drôle! fit Méloir en riant.
-Un gentil petit page que je n’avais pas aperçu, poursuivit maître Gueffès, dont la joue jaunâtre prit une teinte plus chaude, me sangla un coup de gaule à travers la figure. Tenez, voyez plutôt! Il montra sa joue rougie, où une ligne blanche se dessinait en effet, nettement.
-Un bon coup de houssine! dit Méloir. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:09 | |
| -Oui, répondit Gueffès; il y a bien dix ans de cela. Le coup paraît toujours, et le mire m’a dit qu’il paraîtrait jusqu’à ce que le page soit en terre.
-Le page a dû devenir un homme? -Un gentilhomme, monseigneur, portant une lance presque aussi bien que vous.
-Tu l’appelles? -Aubry de Kergariou.
Il y eut encore un silence.
Au dehors l’aube blanchissait l’horizon.
Méloir reprit le premier la parole.
-Maître Gueffès, dit-il avec une certaine noblesse, Aubry de Kergariou est mon cousin, et je suis chevalier, je vous défends de rien entreprendre contre lui.
-Contre lui! moi! s’écria Gueffès de la meilleure foi du monde; ah! vous ne me connaissez guère. Je souhaite que messire Aubry aille en terre, c’est vrai, mais pour l’y mettre moi- même, incapable, mon cher seigneur! Seulement si vous aviez pensé comme moi qu’un cercueil ferme toujours mieux qu’un cachot, j’aurais dit: Amen. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152581 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. Lun 11 Fév - 10:09 | |
| -Assez sur ce sujet, maître Gueffès! -Comme vous voudrez, monseigneur. Mais moi qui ne suis pas chevalier, il m’est permis d’avoir d’autres idées... pour mon compte, j’entends! J’ai aussi un rival auprès de Simonnette. Il n’est pas même en prison, et le plus tôt que vous pourrez le faire pendre sera le mieux.
-Comment! le faire pendre! se récria Méloir.
-C’est un petit cadeau que je vous demande par-dessus le marché des cinquante écus nantais.
-Pendre mon petit Jeannin! dit Méloir en souriant.
-Oh! oh! vous le connaissez! Un joli enfant, n’est-ce pas? -Un enfant charmant! -Eh bien! quand vous m’aurez promis qu’il sera pendu, nous finirons ensemble l’affaire du Maurever.
-Mais il ne sera jamais pendu, maître Gueffès.
-Assommé alors, je ne tiens pas au détail.
-Ni assommé.
-Étouffé dans les tangues.
-Ni étouffé.
-Noyé dans la mer. | |
| | | | Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. IX Maître Gueffès. | |
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