Rêve d'Amour
A Jeanne CHAPELLE
11 octobre 1906
Je voudrais vivre loin de la foule bruyante
Loin de ce monde abject à la face méchante
Au sein d'une sombre forêt
Et là, tout près de toi dans la belle Nature
Je t'aimerais bien fort sublime Créature
Sans te cacher aucun secret
Pour confondre l'ennui de notre solitude
Je te lirais des vers ou bien quelque prélude
Des heures chères à l'Amour
Et le Temps passerait de sa marche rapide
Gardant pour d'autres coeurs sa caresse perfide
Comme le regard d'un vautour
Sous les yeux du Couchant nos ombres enlacées
Glisseraient dans les bois aux nombreuses allées
Sous les épaisses frondaisons
Ou près du lac obscur aux ondes nonchalantes
Assis sur les tapis de mousses verdoyantes
Je te chanterais les Saisons
Je chanterais l'amour des ivresses passées
Et des jours disparus les heures regrettées
Ainsi que leur grand souvenir
Le vent emporterait nos plus sombres alarmes
Et le feu des baisers en tarissant nos larmes
Nous enivrerait de plaisir
Et quand notre Trépas de ses chansons funèbres
Troublerait notre rêve en jetant les ténèbres
Sur les images du Passé
Nous partirions contents. Malgré la fin suprême
De nos illusions nous souririons quand même
Où d'autres auraient tant pleuré.
Honoré HARMAND