A des fleurs des champs
2 août 1927
Je méprise tout haut les citadins méchants
Qui viennent vous cueillir, par caprice, sans doute,
Pour vous jeter ensuite au limon de la route,
Modestes fleurs des champs
Un soir que je faisais ma ronde, solitaire
J'ai vu le chapelet de vos rameaux épars
Joncher le sol brillant sous les rayons blafards
De la lune sévère.
Vous aviez, de l'hiver, supporté la rigueur,
Amis Avril, dont je suis la sublime tendresse,
Avait, par le secret de sa chaude caresse
Ranimé votre coeur ;
Vous vous cachiez, pourtant, parmi les hautes herbes ;
Ayant, pour tout désir, celui de vivre en paix,
Loin des enfants surpris de voir le ton si frais
De vos robes superbes.
Lors, vous donniez asile au papillon léger,
A l'abeille gourmande, au bourdon son complice,
Quand ils se disputaient le nectar d'un calice
Pour se le partager.
De la disgrâce humaine innocentes victimes
Vous n'avez qu'un défaut : Votre simplicité ;
Mais, si nous en croyons la fade Vanité
Les vertus sont des crimes.
Mon âme de poète a souffert de vous voir,
Modestes fleurs des champs, mourir dans la poussière
Et j'ai taillé pour vous un cercueil de bruyère
Garni de satin noir.
De mon coffre secret je vous ouvre les portes.
Aux objets qu'il contient laissez-moi vous unir.
Ainsi vous comblerez le tendre souvenir
Des belles choses mortes.
Honoré HARMAND