À ma petite Louise
Le jour de sa première communion.
Il est déjà lointain - car le temps est agile -
Ma Louise, le jour cher et béni pour nous,
Où Dieu te déposa, bébé rose et frais,
Doux chérubin captif en sa prison d'argile,
Sur mes genoux.
Tu parus à mes yeux comme on voit la fleur naître;
Ton petit poing frappait à mon coeur mal fermé;
Et - ce souvenir-là trouble encor tout mon être -
J'ouvris mon coeur, ainsi qu'on ouvre sa fenêtre
Aux jours de mai.
Notre bonheur pourtant ne fut pas sans mélange;
Car, comme un pauvre oiseau tombé dans un filet,
Tu nous apparaissais prisonnière en ton lange:
Et, tout pensifs, ta mère et moi, songions à l'ange
Qui s'exilait.
Nous croyions voir encor frémir ta petite aile;
Ta voix semblait l'écho des célestes chansons;
Et nous disions: - Hélas! chère âme, saura-t-elle
Passer sans effeuiller sa couronne immortelle
À nos buissons?
Nos orages, plus tard, à sa fleur d'innocence
N'enlèveront-ils pas l'éclat et le parfum?
Et les anges, qui voient notre reconnaissance,
Ne pleureront-ils pas, après les jours d'absence,
L'ange défunt?
Craintes vaines! jamais, ma douce colombelle,
Devant ton pur regard le ciel ne se voila;
Jamais aux voix d'en haut ton coeur ne fut rebelle;
Et ton âme est encore aussi blanche, aussi belle
Que ce jour-là.
Ta lèvre n'a jamais du mal goûté l'absinthe;
Ton rêve est étranger aux remords flétrissants;
Et, quand ton pas ému franchit l'auguste enceinte,
Ta prière d'enfant monte à Dieu, vierge et sainte,
Comme l'encens.
Aussi, dans ta candeur, tu ne saurais comprendre
Le bonheur, qu'aujourd'hui je ressens encor plus,
De pouvoir dire à Dieu: - Seigneur, venez la prendre;
L'ange que vous m'aviez prêté, je puis le rendre
Tel que je l'eus.
Oui, je te rends, ma fille, à Dieu, l'Être suprême
Qui t'ouvre en ce grand jour ses trésors infinis:
Je te rends le front ceint des lys de ton baptême;
Et, parce que tu fus toujours bonne, et qu'il t'aime,
Je le bénis!