Élégie
À la mémoire de Charles Auguste.
- (sa mère) -
Les jours de soleil sont passés,
Et l'automne fait sa vendange;
Dans l'enceinte des trépassés,
La feuille tombe à flots pressés:
Dors, mon doux ange!
Il était frais et blond comme un Enfant-Jésus...
- Dieu nous envoie, hélas! des douleurs bien cruelles -
Un soir, je le berçais; des anges sont venus
Qui l'ont emporté sur leurs ailes.
J'épiais son sommeil, et, quand il remuait,
Je baisais à genoux ses petites mains blanches...
Il est là maintenant, sous ce tertre muet,
Prisonnier entre quatre planches.
Les jours de soleil sont passés,
Et l'automne fait sa vendange;
Dans l'enceinte des trépassés,
La feuille tombe à flots pressés:
Dors; mon doux ange!
Et quand je caressais ses petits pieds frileux, -
Lui que je n'aurais pas donné pour des empires! -
Sur sa lèvre rosée, au coin de ses yeux bleus,
Nageaient des groupes de sourires.
Il bredouillait des mots d'une étrange douceur,
Des mots incohérents, indécis, adorables;
Et moi qui l'écoutais, je sentais dans mon coeur
Courir des frissons ineffables.
Les jours de soleil sont passés,
Et l'automne fait sa vendange;
Dans l'enceinte des trépassés,
La feuille tombe à flots pressés:
Dors, mon doux ange!
Il est là qui repose en son linceul glacé.
Au cimetière, hélas! sa dernière demeure,
Songe-t-il quelquefois, le pauvre délaissé,
À sa mère qui souffre et pleure?
Oh! oui; car, je le sens, si dans la tombe dort
Son petit corps roidi, froid, immobile, blême,
Son âme plane au ciel avec des ailes d'or,
Devant la face de Dieu même!
Le dernier beau jour est passé:
L'automne a fini sa vendange;
La neige tombe à flot pressé...
Dans le ciel où Dieu t'a placé,
Pense à ta mère, mon doux ange!