Tombe isolée
À Varennes, pays de calme et de bien-être,
Au milieu d'un enclos ombragé de grands fûts,
Blanche, parmi le vert des herbages touffus
Une pierre tombale est là sous ma fenêtre.
Pauvre mort délaissé! je ne veux rien connaître
Ni même soupçonner rien de ce que tu fus;
Pourtant à ta pensée un sentiment confus
De troublante pitié me hante et me pénètre.
Serait-ce que la mort elle-même a le don
Au-delà du cercueil de sentir l'abandon?
La tombe a-t-elle aussi ses ennuis? non sans doute;
Mais le coeur, pauvre coeur - à quoi bon le nier? -
Est bien fait pour aimer sans fin, puisqu'il redoute
Jusqu'au fond du tombeau l'isolement dernier.
(1899)