II
Jolliet! Jolliet! quel spectacle féerique
Dut frapper ton regard, quand ta nef historique
Bondit sur les flots d’or du grand fleuve inconnu!
Quel sourire d’orgueil dut effleurer ta lèvre!
Quel éclair triomphant, à cet instant de fièvre,
Dut resplendir sur ton front nu!
Le voyez-vous, là-bas, debout comme un prophète,
Le regard rayonnant d’audace satisfaite,
La main tendue au loin vers l’Occident bronzé,
Prendre possession de ce domaine immense,
Au nom du Dieu vivant, au nom du roi de France,
Et du monde civilisé!
Puis, bercé par la houle, et bercé par ses rêves,
L’oreille ouverte aux bruits harmonieux des grèves,
Humant l’acre parfum des grands bois odorants,
Rasant les îlots verts et les dunes d’opale,
De méandre en méandre, au fil de l’onde pâle,
Suivre le cours des flots errants!
A son aspect, du scia des flottantes ramures,
Montait comme un concert de chants et de murmures;
Des vols d’oiseaux marins s’élevaient des roseaux,
Et, pour montrer la route à la pirogue frêle,
S’enfuyaient en avant, traînant leur ombre grêle
Dans le pli lumineux des eaux.
Et, pendant qu’il allait voguant à la dérive,
L’on aurait dit qu’au loin les arbres de la rive,
En arceaux parfumés penchés sur sou chemin,
Saluaient le héros dont l’énergique audace
Venait d’inscrire encor le nom de notre race
Aux fastes de l’esprit humain!