III
O grand Meschacébé! -voyageur taciturne,
Bien des fois, au rayon de l’étoile nocturne,
Sur tes bords endormis je suis venu «l’asseoir;
Et la, seul et rêveur, perdu sous les grands ormes,
J’ai souvent du regard suivi d’étranges formes
Glissant dans les brumes du soir.
Tantôt je croyais voir, sous les vertes arcades,
Du fatal de Soto passer les cavalcades,
En jetant au désert un défi solennel!
Tantôt, c’était Marquette errant dans la prairie,
Impatient d’offrir un monde à sa patrie,
Et des âmes à l’Eternel!
Parfois, sons les taillis, ma prunelle trompée
Croyait voir de La Salle étinceler l’épée;
Et parfois, groupe informe allant je ne sais où,
Devant une humble croix, -ô puissance magique!
De farouches guerriers à l’oeil sombre et tragique
Passer en pliant le genou!
Et puis, berçant mon âme aux rêves des poètes,
J’entrevoyais aussi de blanches silhouettes,
Doux fantômes flottant dans le vague des nuits,
Atala, Gabriel, Chactas, Evangeline,
Et l’ombre de René, debout sur la colline,
Pleurant ses immortels ennuis.
Et j’endormais ainsi mes souvenirs moroses...
Mais de ces visions poétiques et roses
Celle qui plus souvent venait frapper mon oeil,
C’était, passant au loin dans un reflet de gloire,
Ce hardi pionnier dont notre jeune histoire
Redit le nom avec orgueil.