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| Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III | |
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James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:45 | |
| III
Grosperrin avait des chansonnettes sur tous les sujets, - sur les cochers et les dentistes, sur le prince de Galles et sur Grelot, sur la citadelle et sur les patineuses, sur les volontaires et la rue Champlain, sur le beau temps et les amoureux. Il avait un récit de la plus haute fantaisie sur une explosion de poudrière qui avait eu lieu, dans le temps, à Québec. Mais au nombre de ses plus brillants succès, il faut compter sa complainte sur l’exécution de John Meehan. John Meehan était un Irlandais querelleur, qui, un beau soir, gorgé de whisky, avait expédié ad patres un de ses camarades, à coups de talons de bottes dans la poitrine. Il avait été condamné à mort, et l’échafaud était dressé au-dessus de la porte principale de l’ancienne prison, aujourd’hui le collège Morrin. Une foule immense encombrait la place, fermant les issues, se penchant aux fenêtres, suspendue aux arbres comme des grappes humaines, et couronnant les toits, les murs et les terrasses d’une masse compacte et grouillante. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:45 | |
| Quand le condamné parut, livide, entre le shérif et le prêtre, un silence de mort se fit partout. Le malheureux s’approcha de la clôture de l’estrade, dit quelques mots d’une voix ferme, puis alla se placer de lui-même sur la trappe, au-dessus de laquelle, suspendu à une forte tige de fer, pendait le noeud coulant. Le bourreau, en robe et cagoule noires, s’approcha. Mais au moment où il passait la corde fatale au cou du supplicié, une voix formidable et bien connue retentit dans la foule. Elle chantait: John Meehan, pour expier ton crime, La corde au cou, te voilà donc là-haut! C’était Grosperrin, avec sa complainte pour la circonstance.
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:45 | |
| Or, si solennelle que fût celle-ci, personne n’y put rien; et ce fut au milieu d’un éclat de rire homérique que John Meehan passa de vie à trépas. Une des brochures de Grosperrin avait pour titre: Les vrais misérables, poésies incomparables du philosophe Grosperrin. Prix: 6d. ou 50 centimes, Jersey 1861. Victor Hugo venait de publier les Misérables; et comme Grosperrin se donnait habituellement comme le seul rival sérieux qu’eût le grand poète, de là ce titre. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:45 | |
| - On parle beaucoup de Victor Hugo, disait-il. Pardi, c’est pas difficile de se faire un nom quand on a ses avantages. Il sait l’orthographe, lui. Il peut écrire ses vers lui-même. C’est sa supériorité sur moi. Mais tout le monde vous dira que ses poésies (prononcez pohêsies) ne peuvent pas être comparées à celles de Grosperrin, philosophe-cordonnier. Il le sait bien, du reste; et c’est pour cela qu’il n’a jamais pu me sentir. Mais je m’en fiche un peu, par exemple! Victor Hugo n’est pas autre chose qu’un aristo, tandis que moi, je suis un homme de génie. Voilà! je ne le lui envoie pas dire. La première pièce de cette brochure était adressée à son ami Garibaldi. Les tendances politiques du poète s’y accentuent:
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:45 | |
| Garibaldi, toi rempli de courage, Dans peu de temps tu seras opprimé. Chaque tyran te fait sentir sa rage, Et te voudrait déjà voir consumé. Tous les soldats sont campés dans la plaine, En attendant le moment des combats. Défends, défends la liberté romaine, Montre un chemin à tes vaillants soldats. Tu n’as pas vu ce serpent qui, dans l’ombre, Rampait vers toi pour pouvoir te piquer; Ses trahisons sont sans borne, sans nombre, Un jour pourtant je sus te l’expliquer. Te souviens-tu que ma fertile veine T’avait crié: « Garte-toi bien des gros! » La liberté, la liberté romaine, La liberté va descendre au tombeau! | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:45 | |
| Russe et corsaire en France fraternisent Pour partager entre eux le monde entier, Et se gonflant d’audace et de bêtise, Chacun se dit: « Moi, j’aurai mon quartier! » Mais, l’ouvrier, accablé par la peine, Sur les tyrans saute comme un taureau; Toi, défends donc la liberté romaine, Soutiens-la bien sur le bord du tombeau! Chasse ces rois pleins d’audace importune Qui des humains sont l’horrible fléau; Ils sont soutiens des hommes de fortune Qui n’ont pour but que d’augmenter nos maux. Crois-moi, pour toi n’accepte point de titre; Sois sans détour et sers la vérité; Chasse ce roi couronné de la mître. Et puis soutiens toujours la liberté! Qu’on me pardonne de reproduire encore les vers suivants; c’est une des pièces que le poète philosophe aimait le plus à réciter. Cela commence par une virulente apostrophe à Victor-Emmanuel: Fameux tyran, suppôt de l’opulence, La trahison, c’est ta reconnaissance; Si sur Cavour on sait la vérité, On connaîtra ton coeur sans équité. Car ce secret, sous le voile ou la nue, Sera bientôt répandu dans la rue. Le peuple armé, ses foudres à la main, Voudra bientôt la mort du souverain. Tu suis les pas de tes tristes ancêtres, Ne sachant rien qu’être fourbes ou traîtres; Car tu commences à tromper l’être humain En punissant qui t’a tiré de rien. Certes, il manqua, selon moi, de franchise, Ce chef ardent que punit ta sottise. Car moi je hais qui dit qu’un roi vaurien Vaut pour un peuple autant que le vrai bien. Un souverain c’est une tyrannie. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:46 | |
| La république élevait l’Italie. Ton prisonnier, à Naples triomphant, En prose a dit: je préfère un tyran, Et dans le sang, poussé par l’anarchie, Chassait un roi pour une monarchie. Puis il s’adresse à Garibaldi: Vois, imprudent, toi manquant au devoir, Dieu te punit mais pourra te revoir. Ne soutiens plus cette âme si ternie, Ce roi, jouet d’une autre tyrannie; Et ne dis plus qu’un roi fourbe et faquin Vaut à tes yeux un bon républicain. Je te voyais triomphant, magnifique; Pourquoi n’as-tu créé la République? Tu serais là par les peuples vanté. Vois donc ton roi, vois comme il t’a traité. Tous tes amis, là, te font banqueroute; Tous ils t’ont vu prendre la fausse route. Ton oppresseur, que je ne nomme pas, Je crains pour toi qu’il presse ton trépas. Si le destin veut pour toi le contraire, Sois notre appui, notre ami, notre frère; Prête ton bras à nous, républicains, Pour foudroyer d’ignobles assassins. Un souverain qui promet une charte, Sans l’écouter il faut qu’on s’en écarte. Sa charte est belle et son coeur n’est pas bon; Il brise après sa constitution. N’a-t-on pas vu Lafayette et Lafitte, Flattés d’abord, persécutés ensuite, Après avoir couronné l’Orléans, Qui pour le peuple était pis qu’un tyran? Attrape, Louis-Philippe! Ce roi sans coeur, couronné mais sans sacre,
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:46 | |
| Indignement ordonna le massacre. Ce roi bourgeois ou manant souverain Ensanglanta le quartier transnonain. À Napoléon III maintenant: Ne vit-on pas un flatteur flegmatique Vingt ans plus tard frapper la République? Il croit s’entendre avec les potentats Pour partager tous les faibles États. Mais l’on verra que l’âme ambitieuse Sur son déclin deviendra malheureuse; Car déjà l’oncle était un orgueilleux; N’est-il pas mort comme un vrai malheureux? Quand un Cartouche est protecteur du Temple, C’est pour le peuple un bien fatal exemple: Ceux qui seront l’instrument d’un fripon Seront payés de cachot, de prison; Ou bien encor transportés dans une île. Garibaldi, ton protégé t’exile; Tu l’as grandi, tu l’as fait nommer roi, Et maintenant il se moque de toi! Mais j’arrive à la conclusion; elle est typique. Les sentiments de rivalités que Grosperrin entretenait vis-à-vis de son émule de Haute-ville-House s’y révèlent avec une amertume toute pleine de franchise: | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152617 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III Jeu 13 Juin - 20:46 | |
| Hugo s’est enrichi de prose « misérable »: Mon vers me ruinera, bien qu’il soit admirable. Du nom des malheureux Hugo fait des palais: Moi, pauvre cordonnier, je n’en aurai jamais. Mes feuillets sècheront quoique pleins de lumière, Et derrière un vieux mur couvriront de poussière. De Hugo le grand ver engraisse son jardin, Mais moi, le ver rongeur va dévorer le mien. Un immense roman rend Hugo populaire; C’est un petit tyran qui flatte la misère. Un poète enrichi ressemble à ce gredin
Qui nous promettait plus de beurre que de pain. Ces poètes heureux sont marchands de paroles: Dans leur caisse nos maux se changent en pistoles.
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| | | | Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Originaux Et Détraqués.Grosperrin III | |
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