Le papillon
Papillon
Que l'aurore
Fit éclore
Au gazon,
Je cours, voltige,
Dans mon manoir,
De tige en tige,
Jusques au soir;
Dans la rose,
Doux séjour!
Je repose
Jusqu'au jour.
Et quant le jour commence,
S'offre pour me baigner
La perle qui balance
Aux branches d'églantier.
Et puis sur la colline
Où brillent cent couleurs,
Je joue et je butine
Dans le parfum des fleurs.
Sur le sein du zéphire
Je me berce en riant,
Et quand son souffle expire
Sur le coteau brûlant,
Sous ombrage
De moissons
Ou feuillage
De buissons,
Fraîcheur, silence,
Je trouve alors;
Sans que j'y pense,
Là je m'endors.
Douce vie
Suis ton cours,
Et fleurie
Sois toujours.
Si l'hirondelle
Tente souvent
Route nouvelle
Au firmament,
Toujours l'orage
Grondant tout bas
Et le naufrage
Suivent ses pas.
Moi, moins superbe
Et glorieux,
Sur un brin d'herbe
Je suis heureux.
Et la tempête,
Suivant son cours,
Loin de ma tête
Passe toujours.
On vit chez l'homme
Audacieux
Le front de Rome
Toucher les cieux.
Mais sur la terre
Passe Attila,
Dans la poussière
Rome croula.
D'où je folâtre
Au sein des champs,
Sur leur théâtre
Je vois les grands.
Tandis qu'en proie
Aux noirs pensers,
Leur tête ploie
Sous les dangers,
Sans souci, sans alarmes,
Je coule en paix des jours
Embellis par les charmes
De célestes amours.
Libre comme l'haleine
Des inconstants zéphirs,
Partout je me promène
Au gré de mes désirs.
Sans que je m'inquiète,
Oui, déjà j'aperçois
Ma poussière indiscrète
Avec celle des rois.
Papillon
Que l'aurore
Fit éclore
Au gazon,
Je cours, voltige,
Dans mon manoir,
De tige en tige,
Jusques au soir;
Dans la rose,
Doux séjour!
Je repose
Jusqu'au jour.