Les exilés
I
Assis aux bords lointains, près de la mer lympide,
Ils regardaient le flot rouler vers leur pays.
Il passait lentement; mais encor trop rapide,
Bientôt il disparut à leurs yeux attendris.
S'ils pouvaient comme lui s'éloigner de la rive
De l'exil et des douleurs!
Mais le flot qui s'en va, de la troupe captive
N'emporte, hélas! que les pleurs.
Ô vague fortunée ! ô toi qui de l'orage
Peux lasser la constance et vaincre le courroux,
Ah! si du Canada tu vas voir le rivage,
Laisse, laisse en passant un souvenir de nous.
Tu diras que les yeux tournés vers la patrie,
Tous les jours nous implorons
Le ciel pour nos enfants et l'épouse chérie
Que jamais nous ne verrons.
Ainsi les exilés adressaient au passage
Le flot calme et tranquille emporté vers le nord.
De l'horizon liquide au-dessus d'un nuage
L'astre du jour jetait sur lui ses rayons d'or.
Aux pauvres prisonniers le ciel daignait sourire
Pour adoucir leurs regrets,
Comme en un jour brûlant les lèvres de zéphire
À la tristesse des cyprès.
Cependant tout se tait: le vieux barde se lève,
Déjà vibre la lyre où palpite sa main:
On dirait le doux bruit de l'onde sur la grève,
Ou l'haleine du soir qui caresse son sein.
Un chant commence; chant d'exil et de souffrance,
Comme en répétait autrefois
Dans les tours de Sidon le croisé de Provence
Venu pour venger la croix.