Bluette
Allons sur l'onde.
Voici l'heure où sur toute chose, -
Onde, herbe pâle ou rameau noir, -
La lumière tombe plus rose
De l'urne vermeille du soir.
Vois, vois les mésanges lassées
Frôler l'eau de l'aile en courant,
Et dans les branches balancées
Suspendre leur vol murmurant.
Allons, avant que l'ombre emplisse
Le lac, tout rougissant encor,
Allons errer sur l'onde lisse
Et cueillir des nénuphars d'or.
Entrons dans l'esquif, ô ma reine;
La nappe des fleurs est là-bas;
Que ton âme reste sereine,
Souris, ne t'inquiète pas.
Quand la svelte nacelle penche
Plus vivement, l'on voit alors
Sur l'eau légère qui s'épanche
Des rides refluer aux bords.
Quels frais parfums! voilà la brise,
Voilà la brise de la nuit!...
Le couchant est rouge cerise.
Jouissons de l'heure: elle fuit.
Un soir... t'en souvient-il, mon âme?
Nous rasions le bord du bassin...
Ah! les joyeux reflets de flamme
Qui flottent au vent sur son sein!...
En tournant la liquide allée
Tu chantais: soudain, les échos
Partirent comme une volée
D'oiseaux chantants le long des eaux.
C'était une harmonie étrange,
Un lent et beau murmure clair;
Je te dis: N'es-tu pas un ange
Menant quelque grand choeur dans l'air?
Ah! ce soir, que je puisse encore,
Aux sons d'un bel hymne alterné,
Côtoyer la rive sonore,
Rêveur, sur ma rame incliné.