LE MATIN
En fin la nuit est prisonniere,
Le soleil contre elle animé,
Sur son chariot enflammé
Porte le jour, et la lumiere:
Le ciel d'un visage serain,
Despouïlle sa robe d'airain,
Philis rauit au sein de Flore
Le bouton qui s'espanouït;
L'astre qui deuance l'aurore,
Fuit dans l'onde, et s'esuanouït.
Cét oyseau de mauuais presage
Porteur de l'ombre, et de la nuict,
Ennemy du jour, et du bruict,
A caché son mauuais visage:
Les hommes remplis de sommeil,
Dorment attendants le sommeil,
Et son bel oeil sortant de l'onde
Voyant assoupis tant de corps,
Doute si la face du monde,
N'est point la demeure des morts.
Son feu dans le sein de Neptune,
Dore laisle des alcions,
L'esclat de ses diuins rayons,
Brize les cornes de la lune,
Ce fleuue n'est plus de metal,
Ces fenestres sont de cristal,
Ô belle et douce matinée,
Que puisse ton front amoureux,
Durer ainsi toute l'année,
Le monde seroit bien-heureux.