Comme pamphille amoureux de galathée commence ses complaintes de tant
qu'il ayme et ne l'ose declairer et dit:
Vulneror et clausum porto sub pectore tellum
Crescit et assidue plaga dolorque michi
D'ung glaive agu suis vulneré
Et porte dessoubz ma poitrine
Le glaive qui m'a vulneré
Duquel n'ose monstrer le signe
La playe croist et ne decline
Point la douleur en moy enclose
Tel est batu qui plourer ne ose
Et ferientis adhuc non audeo dicere nomen.
J'ay sus une mon cueur assis
Je ne sçay se g'y perviendray
Mais se une fois en grace suis
Je feray ce que je vouldray
C'est hault lieu mais g'y pretendray
Si voit on ce que je doy craindre
A trop embrasser pou estraindre
Je ne sçay s'elle m'ayme ou non
Mais je croy qu'elle m'aimera
Et si n'ose dire son nom
Par moy point on ne le sçaura
Je pense que elle accordera
A moy, mais en tel differance
Moult remaint de ce que fol pense
Nec sunt aspectus, plaga videre suos
Ma plaie croist en toutes pars
Et ne veult pas tant seulement
Laisser qu'on voye ses regars
Pour me donner guarissement
Mais encore finablement
Se je parvien a mon entente
Je n'y pers que la longue attente
Unde futura meis majora pericula dampnis
Pourtant donc que je n'ose dire
Ma douleur je suis en doubtance
Que l'ung dangier l'aultre ne tire
Et que je n'en aye habundance
J'ay de mon salut esperance
J'espoir reconfort a mon dueil
Mais ung mal jamais ne vient seul
Spero salutis opem nec medicina dabit.
L'esperance que j'ay d'avoir
Salut me donne aulcun confort
Mais si fault il faire debvoir
Au residu c'est du plusfort
Espoir est mon seul reconfort
Touteffois disent les subtilz
Qu'esperance paist les chetifz
Les considerations que pamphille fait devant que aler parler a galathée
et les moyens qu'il doit tenir et dit:
Quam prius ipse viam meliorem carpere possum
Quelle voye doy je donc prendre
Pour la meilleure a parvenir
A ce lieu ou je vueil pretendre
Je ne sçay quel chemin tenir
Car bien y vouldroye venir
Par bon moyen se je sçavoye
Mais dangier est tousjours par voye
Heu michi quid faciam non bene certus eo
Helas doncques que doy je faire
Je craing dangier le mal parlant
Mon tresgrant ennemy contraire
Qu'il ne me rencontre en alant
En montant ou en devallant
Se je y voys c'est en ceste doubte
Mal asseur va qui ne voit goute
Conqueror est que mée justissima causa querelle
Cum sit consilii copia nulla michi
Pourtant doncques je me complains
A parmoy car en ma querelle
J'ay tresjuste cause de plains
Quant il n'y a celluy ne celle
Qui de conseil une estincelle
Me presente, ou ayt presenté
Plainte n'est pas cry de santé
Sed quia multa nocent opus est michi querere multa
Mais pourtant qu'en telle entreprinse
Plusieurs choses peuent encourir
Qui seroyent cause de reprise
Plusieurs moyens doy enquerir
Et le plus utille querir
Par art secret se ainsi peult estre
Souvent ayde l'art a son maistre
Si mea plaga suos denudet in ordine vultus
Quis sit et unde venit armaque quis posint
S'il fault que je quiere advocas
Pour leur dire par ordonnance
Toute ma douleur et mon cas
Qui elle est dont vient sa naissance
Qui cause aussi ma douleance
Je craingz conseillers desloyaulx
Tel se dit amy qui est faulx
Perdet et ipsa sue fortassis spem medicine
Spes reficit donum fallit et ipsa suum.
Ainsi donc se la congnoissance
De ma plaie je determine
Perdre je pourray l'esperance
Que j'ay d'en avoir medicine
Or est esperance si fine
Que son seigneur souvent repaist
Et le deçoit quant il luy plaist
Si tegat ex toto faciem motusque doloris
Et nunquam querat plaga salutis opem.
D'aultre part s'il fault que je cueuvre
Du tout ma face et ma couleur
Sans que aulcunement je descueuvre
Les mouvemens de ma douleur
Sans querir moyen de valeur
Pour avoir aidance du mire
Je fais doubte qu'il ne me empire
Forsitan evenient pejora prioribus istis.
Et me continget protinus inde mori
Par trop secret mon cas tenir
En grant continuation
Il me pourroit: pire venir
Que devant en conclusion
Tellement par succession
De temps que mourir en pourroye
Doubter doit qui a double voie
Estimo monstrari melius nam conditus ignis
Defficit et subito perditur ipse calor
Toutesfois a la verité
Le mieulx comme je puis entendre
Est que mon mal manifesté
Soit a quelque ung sans plus attendre
Car le feu condict en la cendre
Par trop estre couvert perit
Souvent cueur ploure et bouche rit
Ergo loquar veneri, venus est mors, vitaque nostra.
Ducunturque suis omnia consiliis
Pourtant parleray je a venus
Des amans princesse et amye
A qui nous sommes tous tenus
C'est nostre mort et nostre vie
C'est celle qui tout seigneurie
Duyt et conseille toute chose
Mon mal fault que je luy expose.