Par Anonyme.
D'Apres Martial d’Auvergne.(1440?-1508?)
Toute hystoriee et augmentee de plusieurs personnages et
beaux dictz en latin et francoys.
Icy est la danse macabre des femmes toute hystoriee & augmentee de
nouueaulx personnaiges auec pluseurs dis moraulx en latin et francoys
qui sont enseignemens de bien viure pour bien mourir.
Lex metuenda premit mortales. omnibus vna
Mors cita sed dubia. nec fugienda venit.
Circuit et surgens sol vitam prestat. et item.
Cum cadit annichillat quod nichil ante fuit.
Sic dat. sic retrahit. iterum trahet. atque retraxit
Omnia. sol girans quod dedit. ipse trahit.
Lacteur.
Mirez vous icy mirez femmes
Et mettes vostre affection
A penser a voz poures ames
Qui desirent saluacion
Cy bas nest pas la mansion
Ou vous deuez estre tousiours
Mort met tout a destruction
Grant & petit meurt tous les iours
Pour noblesse ne pour honneur
Pour richesse ou pourete
Pour estre dame de valeur
Ou femme de mendicite
Ne differe mort equite:
Mais autant dune part que dautre
Sans auoir mercy ne pite
Huy prent lune: et demain lautre.
Ludite formose teneres cantate puelle.
Nam defluunt anni more fluentis aque
Nec que preteriit iterum reuocabitur vnda.
Nec que preteriit hora redire potest.
Le premier menestrel.
Venez dames et damoiselles
Du siecle & de religion
Vefues: mariees & pucelles
Et autres sans exception
De quelconque condicion
Toutes: danser a ceste danse
Vous y venrez vueilles ou non
Qui saige est souuent y pense.
Le second.
Quelz sont voz corps: je vous demande
Femmes iolies tant bien paree
Ilz sont pour certain la viande
Quun iour sera aux vers donnee
Des vers sera donc deuoree
Vostre chair: qui est fresche & tendre
Ia il nen demourra goulee
Voz vers apres deuiendront cendre.
Le tiers.
Compaignon bonne est ta raison
De ses femmes oultrecuidee
Que leurs corps sera venaison
De vers puans vng iour mengee
En pourroyent elles estre gardee
Pour or: argent ne rien qui soit
Nenny. bien sont doncques abusees
Qui ne samende il se decoit.
Le quart.
O femmes mirez vous en vng tas
Dossemens de gens trespassez
Lesquelz ont en diuers estas
Au monde este leurs temps passez
Et maintenant sont entassez
Lun sur lautre gros et menus
Ainsi serez. or y pensez
La chair pourrie les os tous nus.
Ex vtero natis posita est lex ire: sed esse
Certos: sub sole perpetuare nichil
Ex vtero natis pedetentim calle sub ipso
Subdola mors comes est nos laqueare studens.
La mort.
Noble royne de beau corsaige
Gente et ioyeuse a laduenant
Iay de par le grant maistre charge
De vous en mener maintenant.
Et comme bien chose aduenant.
Ceste danse commenceres
Faictes deuoir au remenant
Vous qui viuez ainsi feres.
La royne.
Ceste danse mest bien nouuelle
Et en ay le cueur bien surprins
He dieu: quelle dure nouuelle
A gens qui ne sont pas aprins
Las en la mort est tout comprins
Royne. dame. grant ou petite
Les plus grans sont les premiers prins
Contre la mort na point de fuyte.
La mort.
Apres ma dame la duchesse
Vous vien querir et pourchasser
Ne pensez plus a la richesse
A biens ne ioyaulx amasser
Auiourdhuy vous fault trespasser
Pourquoy de vostre vie est fait
Folie est de tant embrasser
On nemporte que le bienfait.
La duchesse.
Ie nay pas encore trente ans
Helas: a leure que commence
A scauoir que cest de bon temps
Mort me vient tollir ma plaisance
Iay des amis: et grant cheuance
Soulas. esbas. gens a deuis
Pourquoy moins me plait ceste danse
Gens aises si meurent enuis.
Passibus inuigilat nostris mors: omnia rodens.
Nec sinit esse diu quicquid in orbe fluit
Continuo cadimus viuentes. fila sororum.
Atropos arrumpens emula sepe venit.
La mort.
Or ca ma dame la regente
Qui auez renom de bien dire
De danser: fringuer: estre gente
Sur toutes quon scauroit eslire
Vous soliez autres faire rire
Festier gens et ralier:
Or est il temps de vous reduire
La mort fait trestout oublier.
La regente.
Quant me souuient des tabourins
Nopces: festes: harpes: trompetes:
Menestrelx: doulcines: clarins:
Et des grans cheres que iay faictes
Ie congnois que telz entrefaictes
En temps de mort nont point de lieu
Mais tournent en poures emplaites
Tout se passe fors aymer dieu.
La mort.
Gentille femme de cheualier
Que tant aymes deduit et chasse
Les engins vous fault habiller
Et suyure le train de ma trasse
Cest bien chasse quant on pourchasse
Chose a son ame meritoire
Car au derrain mort tout enchasse
Ceste vie est moult transitoire.
La femme du cheualier.
Pas si tost mourir ne cuidoye
Et comment dea: je souppe hier
Sur lerbe verte a la saulsoye
Ou fis mon espreuier gayer
En riens plus ne se fault fier
Et quest ce des fais de ce monde
Huy rire demain lermoyer
La fin de ioye en dueil redonde.
Fluctibus aut morbo. seu flammis. strage. veneno.
Macra fames. calidum frigora. cura. nocent.
Ergo quis in tantis possit cras dicere viuam
Cum videat quotiens mors male visa ferit.
La mort.
Dame abbesse vous lesseres
Labbaye quauez bien aymee
Quun peu de bien nemporteres
Plus nen seres dame appelle
Vostre crosse dargent doree
Vne de voz seurs portera
Qui apres vous sera sacree
Tout fut aultruy: tout y sera.
Labbesse.
Le seruice hier je faisoye
En leglise comme abbesse
Et ma crosse dargent portoye
A matines et a la messe
Et auiourduy fault que je lesse
Abbaye crosse et couuent
He dieu: de ce monde quest ce
On est de mort sourprins souuent.
La mort.
Dame ploies voz gorgerettes
Il nest plus temps de vous farder
Voz toretz fronteaulx & bauettes
Ne vous pourroient icy aider
Pluseurs sont deceupz par cuider:
Que la mort pour leur habit fleche
Chascun il deust bien regarder
Par habit mainte femme peche.
La femme de lescuier.
He: quay je meffait ou mesdit
Dont doye souffrir telle perte
Iauoye achete au landit
Du drap pour taindre en escarlete:
Et eusse eu vne robe verte
Au premier iour de lan qui vient
Mais mon emprise est descouuerte
Tout ce quon pense pas nauient.
Non licet vt video vane confidere vite
In qua nulla fides est nisi certa mori.
Finge quod aspicias morientem: sed freme: namque
Consimili pena te vocat vna dies.
La mort.
Se vous auez sans fiction
Tout vostre temps serui a dieu
Du cueur en la religion
Laquelle vous auoit vestue
Celluy qui tous biens retribue
Vous compensera loyalment
A son vouloir: en temps & lieu
Bienfait quiert auoir bon paiment.
La prieure.
Cestoit en ma religion
Seruir a dieu tout mon desir
En cloystre par deuocion
Dire mes heures a lesir
Or mest venu la mort saisir
Au monde nay point de regre
Face dieu de moy son plaisir
Prendre doit on la mort en gre.
La mort.
Venez apres ma demoiselle
Et serrez tous vos affiquetz
Nenchault se estez laide ou belle
Laisser vous fault plait & caquetz
Plus ne ires a ses bancquetz
Ou on sent si souef leau rose
Ne verrez iouster a rouquetz
Femmes font faire faire moult de chose.
La demoiselle.
Que me vallent mes grans atours
Mes habitz. ieunesse. beaute
quant tout me fault lesser en plours
Oultre mon gre et voulente
Mon corps sera tantost porte
Aux vers et a la pourriture:
Plus nen sera bale: ne chante
Ioye mondaine bien peu dure.
Est breuis illa dies hodie. quia forte dierum
Est michi sola dies. heu metuenda dies.
Atque horrenda dies. quia tunc michi meta merendi
Clauditur. illa dies leta ve. dira ve dies.
La mort.
Et vous aussi gente bourgoise
Pour neant certes vous excuses
Il est force que chascun voise
Comme veez. et aduises
Voz beaux gorgias empesez
Ny font rien. ne large sainture
Maintz hommes en sont abusez
En tous estatz il fault mesure.
La bourgoise.
Mes getz et colletz de letisses
Ne me exemptent point de mort
Mais mes grans ioyes et delices
Me viennent icy a remort
Ma conscience fort me mort
Des folies faictes en ieunesse
Qui me sont a rebours tresfort
Ioye en la fin tourne en tristesse.
La mort.
Femme vefue venez auant
Et vous auancez de venir.
Vous veez les autres dauant
Il conuient vnefoys finir
Cest belle chose de tenir
Lestat ou on est appellee
Et soy tousiours bien maintenir
Vertus est tout par tout louee.
La femme vefue.
Depuis que mon mary mourut
Iay eu affaire grandement
Sans ce que aucun me secourut
Si non de dieu gard seulement
Iay des enfans bien largement
Qui sont ieunes et non pourueux
Dont iay pitie: mais nullement
Dieu ne lesse aucuns despourueux.
Ortum suum queque repetunt. terramque sequuntur.
Flos fluit. vmbra fugit omnia nata cadunt.
Nil reputo longum. dubius quod terminus angit
Crastina forte dies. est michi sola dies.
La mort.
Alons oultre gente marchande
Et ne vous chaille de peser
La marchandise quon demande
Cest simplesse dy plus muser
A lame deusses aduiser
Le temps sen va heure apres heure:
Et nest tel que den bien vser
Le merite & bienfait demeure.
La marchande.
Qui gardera mon ouurouer
Tendis que je suis a malaise
Mes gens ne feront que louer
Les biens leur viennent a leur aise
A dieu ma balance & ma chaise
Ou iay eu les yeulx diligens
Pour plus cher vendre dont me poise
Auarice decoit les gens.
La mort.
Apres ma dame la balliue
Des quaquetz tenus en leglise
Iugie auez par raison viue
Maintes gens a la vostre guise
Ie vous signifie main mise
Pour pouruoir daultre en voz lieu
Car auiourduy seres demise
Point ne se fault iouer a dieu.
La balliue.
Que femme se plaint de legier
La coustume nest pas nouuelle
Et sentremettre de iuger
Des fais dautruy & non pas delle
Chascune se repute telle
Que ce quelle fait est bien fait
Quoncques mal ne fut dit par elle:
Il nest riens au monde parfait.
Proth quicunque dies sibi longos estimat: errat.
Nulli est tota dies viuere tuta dies.
Frustra dico dies. sit mentio nulla dierum.
Cum stet nulla dies vna nec hora quies.
La mort.
Pour vous monstrer vostre folie:
Et quon doit sur la mort veiller
Sa la main espousee iolie
Allons nous en deshabiller
Pour vous ne fault plus traueiller
Car vous viendres coucher ailleurs
On ne se doit trop resueiller
Les fais de dieu sont merueilleux.
Lespousee.
En la iournee quauoye desir
Dauoir quelque ioye en ma vie
Ie nay que dueil et desplaisir
Et si fault que tantost deuie
He mort: pourquoy as tu enuie
De moy: qui me prens si acoup
Si grant faulte nay desseruie
Mais il fault louer dieu de tout.
La mort.
Femme nourrie en mignotise
Qui dormez iusques au disner
On va chauffer vostre chemise
Il est temps de vous desieuner
Vous ne deussiez iamais ieuner
Car vous estes trop mesgre & vuide
A demain vous viens adiourner
On meurt plus tost que on ne cuide.
La femme mignote.
Pour dieu quon me voise querir
Medecin ou appoticaire
Et comment me fault il mourir
Iay mary de si bon affaire
Aneaulx: robes: neuf ou dix paire
Ce morceau cy mest trop aigret
Moult se passe tost vaine gloire
Femme en ses saulx meurt a regret.
Sed superest meritis mercedem sumere dignam
Optima pro meritis. et viciosa paci.
Aspice iudicium hoc metuendum: iudice tanto
Qui vocat. et venit illa timenda dies.
La mort.
Doulce fille et belle pucelle
Ne vous chaille ia de laisser
La misere de vie mortelle
Qui conuient a chascun passer
Car qui vouldroit bien tout trasser
Il na seurte narrest en lieu
Fors son sauuement pourchasser
Virginite plait bien a dieu.
La pucelle vierge.
En ce siecle ieune ne vieulx
Ne sont pas en grant seurete
De larmes sont souuent les yeulx
Plains. pour ennuy ou pourete
Se on a vne ioyeusete
Il vient apres quinze doleurs
Pour vng bien: double aduersite
Plaisir mondain finit en pleurs.
La mort.
Nous direz vous rien de nouueau
Ma dame la theologienne
Du testament vieulx ou nouueau
Vous veez comme je vous maine
Et estes ia fort ancienne
Il fait bon cecy recongnoistre
Et a bien mourir mettre peine
Cest beacoup que de soy congnoistre.
La theologienne.
Femme qui de clergie se mesle
Pour auoir bruit ou quon lescoute
Est des morues de petit pont
Qui ont grans yeulx & ne voyent goute
Saige est qui rondement si boute
Et qui trop veult scauoir est bugle
Le hault monter souuent cher coute
Chascun en son fait est aueugle.
Ergo time. te instrue. corrige mentem
Viue mori presto: debita ferre para.
Dum licet et spacium datur: ista relinque
Pro patria celi. qua sine fine dies.
La mort.
Apres: nouuelle mariee
Qui auez mis vostre desir
A danser: & estre paree
Pour festes & nopces choisir
En dansant je vous vien saisir
Au iourduy serez mise en terre
Mort ne vient iamais a plaisir
Ioye sen va comme feu de ferre
La nouuelle mariee.
Las: demy an entier na pas
Que commence a tenir mesnage
Par quoy si tost passer le pas
Ne my est pas doulceur: mais raige
Iauoye desir en mariage
De faire mons et merueilles
Mais la mort de trop pres me charge
Vng peu de vent abat grant fueilles.
La mort.
Femme grosse prenez loisir
Dentendre a vous legierement
Car huy mourrez cest le plaisir
De dieu & son commandement
Allons pas a pas bellement
En gettant vostre cueur es cieulx
Et nayes peur aucunement
Dieu ne fait rien que pour le mieulx.
La femme grosse.
Iauray bien petit de deduit
De mon premier enfantement
Si recommande a dieu le fruit
Et mon ame pareillement
Helas: bien cuidoye autrement
Auoir grant ioye en ma gesine
Mais tout va bien piteusement
Fortune tost se change & fine.
Non est illa dies cursus vt ista. dierum
Est deus illa dies: vltima nostra quies.
La mort.
Dictes ieune femme a la cruche
Renommee bonne chamberiere
Respondez au moins quant on huche
Sans tenir si rude maniere
Vous nires plus a la riuiere
Bauer: au four na la fenestre
Cest cy vostre iournee derniere
Aussi tost meurt seruant que maistre.
La chamberiere.
Quoy: ma maistresse ma promis
Me marier & des biens faire
Et puis si ay dautres amys
Qui luy aideront a parfaire
He: men iray je sans riens faire
Ien appelle on me fait tort
Aussi ne men scauroye taire
Peu de gens desirent la mort.
La mort.
Scauez vous recommanderresse
Point vng bon lieu pour moy loger:
Iay bien mestier que on madresse
Car nul ne me veult heberger
Mais ien feray tant desloger
Que on congnoistra mon enseigne
Mourir fault pour vous abreger
Nul ne pert que autre ne gaigne.
La recommanderresse.
En la mort na point damitie
Et si ne fait riens pour requeste
Or argent priere pitie
Pour neant on sen ront la teste
Qui y veult resister est beste
La mort a nully ne complaist
Et fault tous danser a sa feste
Mourir conuient quant a dieu plaist.
Retia sunt anime facundia sensus honores
Quid certas ad opes. Retia sunt anime.
Preter amare deum tibi nil applaudat in orbe
Omnia pretereunt preter amare deum.
La mort.
Ma damoiselle du bon temps
A tout voz anciens atours
Il est de vous en venir temps
Nature a en vous prins son cours
Vous ne pouez viure tousiours
Ie vays deuant: venez apres
Et ne faictes point longz seiours
Vieilles gens sont de la mort pres.
La vieille damoiselle.
Iay voirement mon temps passe
Et ayme mieulx ainsi mourir
Que receuoir ce qui est passe
Et tant de miseres courir
Iay veu poures gens langourir
Et autres choses dont me tais
Enfans: pour bien viure & mourir
Il nest plus grant bien que de paix.
La mort.
Femme de grant deuocion
Cloez voz heures & matines
Et cesses contemplacion
Car iamais nyres a matines
Se voz prieres sont bien dignes
Elles vous vauldront deuant dieu
Rien ne vallent soupirs ne signes
Bonne operacion tient lieu.
La cordeliere.
Ie remercie le createur
A qui plaist de menuoyer querre
En louant le bon redempteur
Des biens qui ma donne sur terre
Aux tentacions ay eu guerre
Qui est moult forte a demener
Mais il aide qui veult requerre
Seruir dieu: est viure & regner.
Quoniam non est in morte qui memor sit tui in inferno autem quis
confitebitur tibi.
Preterit ista dies nescitur origo secundi an labor. an requies
sic transit gloria mundi.
La mort.
Femme daccueil et amiable
A festier gens a plante:
Acquis auez amis de table
Pour parler de ioyeusete:
Le temps nest tel quil a este
Rien ne vault icy vacabont
Parler: qui nest que vanite
Ceulx qui ont le bruit ont le bont.
La femme daccueil
Auiourduy parens et amis
Promettent et mons et merueilles
Mais quant voient quon est bas mis
Ilz baissent trestous les oreilles
Et sont aussi sours comme fueilles
Que le vent fait voler par couples
Et que vallent promesses telles
Vrais ne sont pas les amis doubles.
La mort.
Apres nourrice: vostre beau filz
Nonobstant son couuertouer
Et son beau bonnet a trois filz
Vous ne le menrez plus iouer
Deslogez vous sans delaier
Car tous deux vous mourrez ensemble
Vous ne poues plus cy targer
La mort prent tout quant bon luy semble.
La nourrice.
A ceste danse fault aler
Comme font les prestres au seyne
Ie voulsisse bien reculer
Mais je me sens la boce en laine
Entre les bras: de mon alaine
Cest enfant meurt depidimie.
Cest grant pitie de mort soudaine
Il nest qui ait heure ne demie.
Ve anime peccatrici que non habet posse redeundi ad locum suum
vnde exiuit quia turpia opera et delectaciones carnales
impediunt eius ascensum sursum.
La mort.
Pas ne vous oblieray derriere
Venez apres moy: sa la main
Entendez plaisante bergiere
On marchande cy main a main
Aux champs nires plus soir ne main
Veiller brebis ne garder bestes
Riens ne sera de vous demain
Apres les veilles sont les festes.
La bergiere.
Je prens congie du franc gontier
Que je regrette a merueilles
Plus naura chappeau deglantier
Car vecy piteuses nouuelles
A dieu bergiers et pastourelles
Et les beaux champs que dieu fit croistre
A dieu fleurs: & roses vermeilles
Il fault tous obeir au maistre.
La mort.
Apres poure vieille aux potences
Qui ne vous poues soustenir
Cy bas nauez pas voz plaisences:
Aussy vous en conuient venir
Lautre siecle est a aduenir
Ou pour vostre mal & misere
Poues a grant bien paruenir
Dieu recompense tout en gloire.
La femme aux potences.
De vieillesse ne voy mais goutte
Par quoy ne crains gueres la mort
Dix ans y a que iay la goutte
Et maladie me grefue fort
Mes amis ont le mien a tort
Et nay vaillans deux blancs contens
Dieu seul est tout mon reconfort
Apres la pluye vient le beau temps
Non ex difformitate corporis defedatur animus. sed ex putredine
anime defedatur corpus. vt ait seneca.
La mort
Ha poure femme de village
Suyues mon train sans retarder
Plus ne vendres euf ne formage
Alez vostre panier vuider
Se vous auez bien sceu garder
Pourete: pacience: et perte
Vous en pourres moult amender
Chascun trouuera sa deserte.
La femme de village.
Ie prens la mort vaille que vaille
Bien en gre et en pacience
Frans archiers ont pris ma poullaille
Et eu toute ma substance
De poures gens nulluy nen pense
Entre voisins na charite
Chascun veult auoir grant cheuance
Nul na cure de pouurete.
La mort.
Et vous ma dame la gourree
Vendu auez maintz surplis
Donc de largent estes fourree
Et en sont voz coffres remplis
Apres tous souhaitz acomplis
Conuient tout laisser et bailler
Selon la robe on fait le plis
A tel potaige tel cuiller.
La vieille.
A tout mon cas bien recongnoistre.
Ie nay pas vescu sans reprouche:
Me suis affuble de mon maistre
Comme fait coquin de sa pouche:
Iay souuent mis ses vins en broche
Et lay fait despendre a ma guise
Mais maintenant la mort maproche
Tant va le pot a leau qui brise.
Omnium mortalium cura quamuis multiplicium studiorum labor
exerceat diuerso quidem calle ad vnum tamen beatitudinis finem
nititur peruenire Boetius.
La mort.
Approuches vous reuenderesse
Sans plus cy faire demouree
Vostre corps: nuyt et iour ne cesse.
De gaigner pour estre honnouree.
Honneur est de poure duree
Et se part en vng moment deure
Au monde na chose assuree
Tel rit au matin qui au soir pleure.
La reuenderesse.
Iauoie hier gaignie deux escus
Pour sourfaire subtilement:
Mais ne scay qui les ma tollus
Argent acquis mauuesement
Ne fait ia bien communement
Helas je meurs cest dautre metz.
Que prestre aye hatiuement
Car il vault mieulx tart que iamais.
La mort.
Femme de petite value
Mal viuant en charnalite
Mene aues vie dissolue
En tous temps yuer et este
Aies le cueur espouente.
Car vous seres de pres tenue
Pour mal faire on est tourmente
Pechie nuist quant on continue.
La femme amoureuse.
A ce pechie me suis soubzmise
Pour plaisance desordonnee
Pendus soient ceulx qui my ont mise
Et au mestier habandonnee
Las se ieusse estoy bien menee.
Et conduite premierement
Iamais ny eusse estoy tournee.
La fin suyt le commencement.
Noli per cras cras tibi longas ponere methas
Per cras cras cras cras omnis consumitur etas.
Est homo res fragilis et durans tempore paruo
Posset esse similis flori qui crescit in aruo.
La mort.
Venez ca garde dacouchees
Dresse auez maintz baingz perdus
Et ses courtines attachees
Ou estoient beaux boucques pendus:
Bien y ont estez despendus
Tant de motz ditz que cest vng songe
Qui seront apres cher vendus
En la fin tout mal vient en ronge.
La garde dacouchees.
Iay voirement dresse maintz baingz
Pour les comperes et commeres:
Ou sont estez pates de coingz
Menges. darioles. goyeres
Tartes. et fait mille grans cheres
Si tost quon a oste la table
Il nen souuient a nulluy gueres
Ioye de menger est peu durable.
La mort.
Tires vous pres gente garsette
Bailles moy vostre bras menu
Il faut que sur vous la main mette
Vostre derrain iour est venu
Mort nespargne gros ne menu
Grant ou petit: luy est tout vng
Paier on doit de tant tenu
La mort est commune a chascun.
La jeune fille.
Haa ma mere je suis happee
Vecy la mort qui me transporte
Pour dieu quon garde ma poupee
Mes cinq pierres ma belle cote
Ou elle vient trestout emporte
Par le pouuoir que dieu luy donne:
Vieux et ieunes de toute sorte
Tout vient de dieu tout y retorne.
Quid fetidius humano cadauere. quid horribilius femina mortua
Cuius gratissimus erat amplexus in vita molestus erit eciam
aspectus in morte.
La morte.
Suyues mon train religieuse
De voz fais conuient rendre compte
Se point nauez este piteuse
Aux poures: ce vous sera honte
En paradis point on ne monte
Fors par degrez de charite
Entendes bien a vostre compte
Tout ce quon fait y est compte.
La religieuse.
Iay fait par tout ce que iay peu
Aux poures selon leur venue
Les malades pense: & repeu
Non si bien que iestoye tenue
Mais se faulte il est aduenue
Dieu me pardonne la defaille
Sa grace tousiours retenue
Il nest si iuste qui ne faille.
La morte.
Oyez oyez: on vous fait scauoir
Que ceste vieille sorciere
A fait mourir et deceuoir
Plusieurs gens en mainte maniere
Est condamnee comme meurtriere
A mourir ne viura plus gaire
Ie la maine en son cymitiere
Cest belle chose de bien faire.
La sorciere.
Mes bonnes gens ayes pitie
De moy: et toute pecheresse
Et me donnes par amitie
Don de patenostre ou de messe
Iay fait du mal en ma ieunesse
Dont icy achete la prune
Si pries dieu que lame adresse
Nul ne peut contre sa fortune.
Si quis sentiret quo tendit et vnde veniret
Nunquam gauderet sed omni tempore fleret.
La mort.
Dieu ayme bien femmes deuotes
Qui ont consciences nettes
Et hait sur tout les bigotes
Aux chaperons sans cornetes
Comme aucunes seurs colletes
Lesquelles par ypocrisie
En secretz pechez sont infectes
Deuant dieu & sa compaignie.
La bigote.
Pour verite me suis monstree
Souuent meilleur que je nestoye
Aucuneffoiz bien desieunee
Faisant semblant que je ieunoye
Et de ma bouche barbetoye
Sans dire ne mot ne lettre
Ie pry a dieu quen bonne voye
Plaise ma poure ame mettre.
La mort.
Sus tost margot venez auant
Estes vous maintenant derriere
Vous deussiez ia estre deuant
Et danser toute la premiere
Quel contenance: quel maniere
Ou est vostre fille marote
Ne vault faire cy mesgre chiere
Car cest vostre derniere note.
La sotte.
Entre vous coinctes & iolies
Femmes oyez que je vous dis
Laissez a heure voz folies
Car vous mourrez sans contredis
Si iay ne meffait ne mesdis
A ceulx qui demeurent/ pardon
Requiers/ et a dieu paradis
Demander ne puis plus beau don.
Vermibus hic donor
et sic ostendere cogor
Qualiter hic ponor
ponitur omnis honor.
Vt placet in longum vite spem temporis auge
Ex nichilo nichilum mox erit atque nichil
Mille fuere viri milleni milia mille
Corpus humo putruit: nomine fama caret.
La royne morte.
Ie estoye royne couronnee
Plus que autre doubtee & crainte
Qui suis icy aux vers donnee
Apres que de mort fus attainte
Sur la terre je suis contrainte
Destre couchee a la renuerse
Pour quoy est dure ma complainte
Bien charje droit qui ne verse.
Prenez y qui me regardez
Exemple: pour vostre prouffit
Et de mal faire vous gardes
Ie nen dis plus il me souffit
Si non: car celluy qui vous fit
Quant il vouldra vous defera
Defais estiez quant vous refit
Qui bien fera bien trouuera.
Lacteur.
O vous seigneurs & aussi dames
Qui contemplez ceste paincture
Plaise vous prier pour les ames
De ceulx qui sont en sepulture
De mort neschappe creature
Allez: venez: apres mourres
Ceste vie quun bien peu ne dure
Faictes bien vous le trouueres
Iadis furent comme vous estes
Qui ainsi dansent en facon telle
Allans parlans comme vous faictes
De gens mors il nest plus nouuelle
Ne il nen chault dune senelle
Aux hoirs ne amis des trespasses
Mais quilz ayent argent & vaisselle
Ayes deulx pitie: cest asses.
Puis que ainsi est que la mort soit certaine
Plus que autre rien terrible & douloureuse
Et que chose ne peut estre incertaine
Puis que en est leure horrible & angoysseuse
Et soit si briefue & par tant perilleuse
Las nostre vie en ceste valee miserable
Il mest aduis pour le plus conuenable
Que nous deuons du tout entierement
Mettre soub pie ce monde decepuable
Pour bien mourir et viure longuement
Delaisser doit toute ioye mondaine
Et mener vie humble & religieuse
Qui monter veult a la tressouueraine
Cite des cieulx qui tant est glorieuse
La contempler doit tousiours lame eureuse
Qui ayme dieu & hait euure de diable
Suiure les bons estre a tous charitable
Soy confesser souuent deuotement
Et messe ouyr qui tant est prouffitable
Pour bien mourir et viure longuement
Trop sabuse homme qui demaine
Orgueil en luy et vie ambicieuse
Quant il scet bien que la mort tout emmaine
Qui vient souuent soudaine & merueilleuse
Mais doit penser la passion piteuse
Du redempteur et la peine doubtable
Denfer sans fin qui est inenarrable
Le iour hatif du diuin iugement
Et ses pechez: comme saige & notable
Pour bien mourir et viure longuement
Mortelle femme: & ame raisonnable
Se apres ne veulx mort estre damnable
Tu dois le iour vne foys seulement
Penser du moins ta fin abhominable
Pour bien mourir et viure longuement.
Ie congnois que dieu ma forme
Et fait en sa digne semblance
Ie congnois que dieu ma donne
Ame sens vie et congnoissance
Ie congnois qua iuste balance
Selon mes fais iuge seray
Ie congnois moult: mais je ne scay
Congnoistre dont vient la folie
Que je scay bien que je mourray
Et si namende point ma vie.
Ie congnois en quel pourete
vins sur terre et nasqui denfance
je congnois que dieu ma preste
tant de biens en grant habondance
je congnois quauoir ne cheuance
auecques moy nemporteray
je congnois que tant plus auray
plus dolent mourray en partie
je congnois tout cecy pour vray
et si namende point ma vie.
Ie congnois que iay ia passe
grant part de mes iours sans doubtance
je congnois que iay amasse
pechez et fait peu penitence
je congnois que par ignorence
excuser je ne me pourray
je congnois que trop tart vendray
quant lame sera departie
pour dire je mamenderay
et si namende point ma vie.
Prince je suis en grant esmay
de moy qui les autres chastie
et moy mesmes le pire fay
et si namende point ma vie.
Et cum aperuisset sigillum quartum Audiui vocem quarti animalis.
dicentis. Veni et vide. Et ecce equus pallidus et qui sedebat
super eum nomen illi mors et infernus sequebatur eum. Et data
est illi potestas super quattuor partes terre interficere
gladio. fame. et morte. Apocalipsis quarto capitulo.
Quoniam non est in morte qui memor sit tui in inferno autem
quis confitebitur tibi.
Sur ce cheual hideux et palle
La mort suis: Fierement assise
Il nest beaulte que je ne haale
Soit vermeille ou blanche ou bise
Mon cheual court comme la Bise
Et en courant mort rue et frappe
Et je tue tout. Car cest ma guise
Tous viuans trebuchent en ma trappe.
Je passe par mons et par vaulx
Sans tenir ne voie ne sente
Ie prens par villes et chasteaulx
Mon tribu mon cens ma rente.
Sans donner delay nattente
ne iour. ny heure. ne demie
Deuant moy fault quon se presente
A tous viuans je tol la vie.
Enfer scait bien quel tuerie
Ie fais de gens. car pas a pas
Me suit. Et de ma Boucherie
Aual lan fais maint gros repas.
Quant je besoingne il ne dort pas
Par moy attent que proie aura
Daucuns qui ne sen doubtent pas
Sen garde qui garder vouldra.
Encor me suyt raison pour quoy
De ceulx qui meurent de mon dart
Et sont sans nombre: Croies moy.
Car il en a la plus grant part
Paradis nen a mie le quart
Ne la disme on luy feroit tort
Grant. sil nauoit tout au plus tart
Lomme pescheur quant il est mort.
Ie considere ma pouure humanite
Et comme en pleur premier nasqui sur terre
Ie considere moult ma fragilite
Et mon peche qui tropt le cuer me serre
Ie considere que mort me viendra querre
Ie ne scay lheure. pour me tollir la vie
Ie considere que lennemy mespie
La chair: le monde. me guerroient si tresfort
Ie considere que cest tout par enuie
Pour moy liurer sans fin de mort a mort.
Ie considere les tribulacions
De ce vil siecle dont la vie nest pas necte
Ie considere cent mille passions
Ou poure humaine creature est subiecte
Ie considere la sentence parfaicte
Du vray iuge faicte sur bons et maulx
Ie considere tant plus viz que pis vaulx
Dont conscience bien souuent me remort
Ie considere des damnes les deffaulx
Qui sont liures sans fin de mort a mort.
Ie considere que les vers mangeront
Mon dolent corps cest chose espouentable
Ie considere las pecheurs que feront
Quant se viendra le iugement doutable
O doulce vierge sur toutes delectable
Ayez mercy de moy celle iournee
Qui tant sera merueilleuse et doubtee
Et ma poure ame conduisez a droit port
Car a vous seule du cuer je lay vouee
Pour la deffendre sans fin de mort a mort.
Prince du ciel vostre humble creature
Vous cry mercy pour faire son accord
Et de la peine qui a tousiours mais dure
La deffendez sans fin de mort a mort.
Cy finist la danse macabre des femmes toute hystoriee et augmentee de
plusieurs personnages et beaux dictz en latin et francoys.
Imprimee A Paris par Guyot Marchant demorant ou grant hostel du champ
gaillard derrier le college de nauarre Lan de grace mil quatre cens
quatre vingz et vnze Le second iour de may
Guyot marchant imprimeur demorant ou grant hostel de nauarre en champ
gaillart a paris