Nous voilà tous
Mère, nous voilà tous, moi ton fils, qui te fête,
Et celle qui pour moi Dieu lui-même avait faite,
Et l'enfant adoré qui porte dans ses yeux
Un monde qui s'agite, encor mystérieux,
Et toi, tu nous bénis, o ma chère nourrice!
O mère, que toujours l'espoir en toi fleurisse!
Nous ne sommes pas seuls à baiser doucement
Ta tête calme où luit comme un éclair charmant.
Car lorsque dans le ciel grandit l'aube vermeille,
Le murmure étouffé de tout ce qui s'éveille
Court sur les arbres nus et sur les claires eaux.
L'air est plein du frisson des ailes des oiseaux
Et des âmes des morts et du souffle des Anges;
Celui vers qui toujours monte un flot de louanges
Et qui de nos douleurs a fait des voluptés,
Nous dit alors tout bas: Voici l'heure. Ecoutez.
Et plus faibles qu'un vol d'abeilles sur les mousses,
Nous entendons les voix qui nous semblaient si douces
Jadis; car rien ne meurt, la tombe n'a rien pris
De la clarté sereine et pure des esprits,
Et Dieu, qui les créa dans leur splendeur première,
N'a pas fait du néant avec de la lumière.