IV
Notre ancienne dispute
Te souviens-tu qu'en l'âge tendre
Où tu n'étais qu'un citadin,
Tu me raillais toujours de prendre
La nature pour mon jardin ?
Un jour, tu t'armas d'un air rogue,
Et moi d'accents très convaincus,
Et nous eûmes ce dialogue,
Alterné, comme dans Moschus :
TOI
" Si tu fais ce qu'on te conseille,
" Tu n'iras point dans ce vallon
" Affronter l'aigreur de l'oseille
" Et l'épigramme du frelon.
MOI
" J'irai.
TOI
La nature est morose
" Souvent, pour l'homme fourvoyé.
" Si l'on est baisé par la rose,
" Par l'épine on est tutoyé.
MOI
" Soit.
TOI
Paris à l'homme est propice.
" Perlet joue au Gymnase, vois,
" Ravignan prêche à Saint-Sulpice.
MOI
" Et la fauvette chante aux bois.
TOI
" Que viens-tu faire dans ces plaines ?
" On ne te connaît pas ici.
" Les bêtes parfois sont vilaines,
" L'herbe est parfois mauvaise ; ainsi
" Crois-moi, n'en franchis point la porte.
" On n'y sait pas ton nom.
MOI
Pardon !
" Vadius l'a dit au cloporte,
" Trissotin l'a dit au chardon.
TOI
" Reste dans la ville où nous sommes,
" Car les champs ne sont meilleurs.
MOI
" J'ai des ennemis chez les hommes,
" Je n'en ai point parmi les fleurs. "