LE PORTRAIT D'UNE ENFANT
à Mlle J.-D. de M.
Quand je voy tant de couleurs
Et de fleurs
Qui esmaillent un nuage,
Je pense voir le beau teint
Qui est peint
Si vermeil en son visage.
Quand te sens parmi les prez
Diaprez,
Les fleurs dont la terre est pleine,
Lors te fais croire à mes sens
Que te sens
La douceur de son haleine.
RONSARD.
Oui, ce front, ce sourire et cette fraîche joue,
C'est bien l'enfant qui pleure et joue,
Et qu'un esprit du ciel défend !
De ses doux traits, ravis à la Sainte phalange,
C'est bien le délicat mélange ;
Poète, j 'y crois voir un ange,
Père, j'y trouve mon enfant.
On devine à ses yeux pleins d'une pure flamme,
Qu'au paradis, d'où vient son âme,
Elle a dit un récent adieu.
Son regard, rayonnant d'une joie éphémère,
Semble en suivre encor la chimère,
Et revoir dans sa douce mère
L'humble mère de l'Enfant-Dieu !
On dirait qu'elle écoute un choeur de voix célestes,
Que, de loin, des vierges modestes
Elle entend l'appel gracieux ;
À son joyeux regard, à son naïf sourire,
On serait tenté de lui dire :
- Jeune ange, quel fut ton martyre,
Et quel est ton nom dans les cieux ?
II
Ô toi dont le pinceau me la fit si touchante,
Tu me la peins, je te la chante !
Car tes nobles travaux vivront ;
Une force virile à ta grâce est unie ;
Tes couleurs sont une harmonie ;
Et dans ton enfance, un Génie
Mît une flamme sur ton front !
Sans doute quelque fée, à ton berceau venue,
Des sept couleurs que dans la nue
Suspend le prisme aérien,
Des roses de l'aurore humide et matinale,
Des feux de l'aube boréale,
Fit une palette idéale
Pour ton pinceau magicien !