PORTRAIT
Foin de cet orateur, pédant enchifrené
De qui l'esprit ne sort qu'en passant par son né !
Son éloquence humide abonde en longs filandres.
Quand ce bavard, pour mettre un terme à nos esclandres,
Paraît, blême et bouffi d'un ennui colossal,
A la tribune, orné de son courroux nasal,
Vous attendez qu'il tonne et moi qu'il éternue.
'Quoi ! 'du nasillement l'heure est-elle' venue!
Oh ! le puissant tribun qui fait- que les partis,
Quand il parle, oubliant griefs, voëux,, appétits,
Et toi,' Liberté sainte, 'aujourd'hui prisonnière,
Pensent à leur mouéhoir et non' à leur bannière'!
Soit; émerveillez-vous ! Fort -bien, criez : bravo !
Moi je''n'admiré pas ce rhumé de cerveau..
Certes, ce coryza,'jé l'avoue, est énorme,
Stupéfiant, tenace à rendre un nez difforme,
Monstrueux,' magnifique, -horrible, point bénin ;
Le rhume est ; d'un` titan, mais le' cerveau d'un nain.
Vous n'êtes pas- sensible à là prose, jeune homme.
Il vous faut le vers. Soit. L'art s'accommode en somme
De la prose aussi bien que` du vers, et. Pascal.
Vaut Corneille. Pourtant' le vers, pontifical, ..
Monte dans plus d'âzur et sur un plus haut faîte,
Et le penseur en prose, en' vers devient prophète.
Donc préférons_le vers: C'est un plus fier démon.
Mais la prose, Tacite, Arouet, Saint-Simon,
Est plus humaine 'étant moins divine, et, superbe,
Est la Parole, alors que la strophe est le-Verbe.
'Aimons l'esprit humain complet, et l'art entier.
DERNIÈRE GERBE