PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Victor HUGO (1802-1885)La chouette

Aller en bas 
AuteurMessage
Inaya
Plume d'Eau
Inaya


Féminin
Rat
Nombre de messages : 50031
Age : 63
Date d'inscription : 05/11/2010

Victor HUGO (1802-1885)La chouette Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885)La chouette   Victor HUGO (1802-1885)La chouette Icon_minitimeVen 16 Sep - 23:46

LA CHOUETTE

Une chouette était sur une porte clouée;
Larve de l'ombre au toit des hommes échouée.
La nature, qui mêle une âme aux rameaux verts,
Qui remplit tout, et vit, à des degrés divers,
Dans la bête sauvage et la bête de somme,
Toujours en dialogue avec l'esprit de l'homme,
Lui donne à déchiffrer les animaux, qui sont
Ses signes, alphabet formidable et profond;
Et, sombre, ayant pour mots l'oiseau, le ver, l'insecte,
Parle deux langues: l'une, admirable et correcte,
L'autre, obscur bégaîment. L'éléphant aux pieds lourds,
Le lion, ce grand front de l'antre, l'aigle, l'ours,
Le taureau, le cheval, le tigre au bond superbe,
Sont le langage altier et splendide, le verbe;
Et la chauve-souris, le crapaud, le putois,
Le crabe, le hibou, le porc, sont le patois.
Or, j'étais là, pensif, bienveillant, presque tendre,
Épelant ce squelette, et tâchant de comprendre
Ce qu'entre les trois clous où son spectre pendait,
Aux vivants, aux souffrants, au boeuf triste, au baudet,
Disait, hélas! la pauvre et sinistre chouette,
Du côté noir de l'être informe silhouette.



Elle disait:

-Sur son front sombre
Comme la brume se répand!
Il remplit tout le fond de l'ombre.
Comme sa tête morte pend!
De ses yeux coulent ses pensées.
Ses pieds troués, ses mains percées
Bleuissent à l'air glacial,
Oh! comme il saigne dans le gouffre!
Lui qui faisait le bien, il souffre
Comme moi qui faisait le mal.

-Une lumière à son front tremble.-
Et la nuit dit au vent: -Soufflons
-Sur cette flamme!- et, tous ensemble,
Les ténèbres, les aquilons,
La pluie et l'horreur, froides bouches,
soufflent, hagards, hideux, farouches,
Et dans la tempête et le bruit
La clarté reparaît grandie...
Tu peux éteindre un incendie,
Mais pas une auréole, ô nuit!

-Cette âme arriva sur la terre,
Qu'assombrit le soir incertain;
Elle entra dans l'obscur mystère
Que l'ombre appelle son destin;
Au mensonge, aux forfaits sans nombre,
A tout l'horrible essaim de l'ombre,
Elle livrait de saints combats;
Elle volait, et ses prunelles
Semblaient deux lueurs éternelles
Qui passaient dans la nuit d'en bas.

-Elle allait parmi les ténèbres,
Poursuivant, chassant, dévorant
Les vices, ces taupes funèbres,
Le crime, ce phalène errant;
Arrachant de leurs trous la haine,
L'orgueil, la fraude qui se traîne,
L'âpre envie, aspic du chemin,
Les vers de terre et les vipères,
Que la nuit cache dans les pierres
Et le mal dans le coeur humain!

-Elle cherchait ces infidèles,
L'Achab, le Nemrod, le Mathan,
Que, dans son temple et sous ses ailes,
Réchauffe le faux dieu Satan,
Les vendeurs cachés sous les porches,
Le brûleur allumant ses torches
Au même feu que l'encensoir;
Et, quand elle l'avait trouvée,
Toute la sinistre couvée
Se hérissait sous l'autel noir.

-Elle allait, délivrant les hommes
De leurs ennemis ténébreux;
Les hommes, noirs comme nous sommes,
Prirent l'esprit luttant pour eux;
Puis ils clouèrent, les infâmes,
L'âme qui défendait leurs âmes,
L'être dont l'oeil jetait du jour;
Et leur foule, dans sa démence,
Railla cette chouette immense
De la lumière et de l'amour!

-Race qui frappes et lapides,
Je te plains! hommes, je vous plains!
Hélas! je plains vos poings stupides,
D'affreux clous et de marteaux pleins!
Vous persécutez pêle-mêle
Le mal, le bien, la griffe et l'aile,
Chasseurs sans but, bourreaux sans yeux!
Vous clouez de vos mains mal sûres
Les hiboux au seuil des masures,
Et Christ sur la porte des cieux!-

Mai 1843.
Revenir en haut Aller en bas
 
Victor HUGO (1802-1885)La chouette
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
»  Victor HUGO (1802-1885) C'est l'heure où le sépulcre appelle la chouette.
» Victor HUGO (1802-1885) Hugo Dundas
» Victor HUGO (1802-1885) Victor, sed victus
» Victor HUGO (1802-1885) Mai
» Victor HUGO (1802-1885) A toi

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: