C'est l'heure où le sépulcre appelle la chouette.
On voit sur l'horizon l'étrange silhouette
D'un bras énorme ayant des courbes de serpent;
On dirait qu'il protège, on dirait qu'il répand
On ne sait quel amour terrible dans cette ombre.
C'est Arimane. O ciel, sous les astres sans nombre,
Dans l'air, dans la nuée où volent les griffons,
Dans le chaos confus des branchages profonds,
Dans les prés, dans les monts, dans la grande mer verte,
Dans l'immensité bleue aux "aurores ouverte,
Qu'est-ce donc que l'esprit de haine peut aimer?
Lui qui veut tout flétrir, que fait-il donc germer?
Qu'est-ce que dans l'azur son doigt noir peut écrire?
Sur qui donc fixe-t-il son effrayant sourire?
Que regarde-t-il donc avec paternité?
Fait-il croître un hiver tel qu'on n'ait plus d'été?
Pour les dards dans la nuit fait-il luire les cibles?
Il semble heureux. Il parle aux choses invisibles;
Il leur parle si bas, si doucement, qu'on peut
Entendre le rayon de lune qui se meut
Et la vague rumeur des ruches endormies;
Son fantôme agrandit les ténèbres blêmies;
On ne sait ce qu'il fait, on ne sait ce qu'il dit;
Les loups dressent émus leur tête de bandit;
Iblis parle; et la stryge affreuse, la lémure,
Ainsi qu'une promesse accueillent ce murmure;
Rien n'est plus caressant que cette obscure voix;
Comme un nid d'oiseaux chante et jase dans les bois,
Et comme un sein de vierge au fond d'une humble alcôve
S'enfle et s'abaisse, ainsi chuchote l'esprit fauve,
Celui que. Mahomet nomme le sombre émir;
Et cependant, on voit toute -l'ombre frémir, -
Et la mère en son flanc sent l'enfant qui va naître
S'épouvanter, car l'âme humaine craint peut-être,
Quand une main immense apparaît au zénith,
Moins un dieu qui maudit qu'un démon qui bénit.
H. H. 28 avril 1872.