Le sort nous use au jour, triste meule qui tourne.
L'homme inquiet et vain croit marcher, il séjourne;
Il expire en créant.
Nous avons la seconde et nous rêvons l'année;
Et la dimension de notre destinée,
C'est poussière et néant.
L'abîme, où les soleils sont les égaux des mouches,
Nous tient; nous n'entendons que des sanglots farouches
Ou des rires moqueurs;
Vers la cible d'en haut qui dans l'azur s'élève,
Nous lançons nos projets, nos voeux, l'espoir, le rêve,
Ces flèches de nos coeurs.
Nous voulons durer, vivre, être éternels. O cendre!
Où donc est la fourmi qu'on appelle Alexandre?
Où donc le ver César?
En tombant sur nos fronts, la minute nous tue.
Nous passons, noir essaim, foule de deuil vêtue,
Comme le bruit d'un char.
Nous montons à l'assaut du temps comme une armée.
Sur nos groupes confus que voile la fumée
Des jours évanouis,
L'énorme éternité luit, splendide et stagnante;
Le cadran, bouclier de l'heure rayonnante,
Nous terrasse éblouis!