Nuits, serez-vous pour nous toujours ce que vous êtes?
Pour toute vision, aurons-nous sur nos têtes
Toujours les mêmes cieux?
Dis, larve Aldebaran, réponds, spectre Saturne,
Ne verrons-nous jamais sur le masque nocturne
S'ouvrir de nouveaux yeux?
Ne verrons-nous jamais briller de nouveaux astres?
Et des cintres nouveaux, et de nouveaux pilastres
Luire à notre oeil mortel,
Dans cette cathédrale aux formidables porches
Dont le septentrion éclaire avec sept torches,
L'effrayant maître-autel?
A-t-il cessé, le vent qui fit naître ces roses,
Sirius, Orion, toi, Vénus, qui reposes
Notre oeil dans le péril?
Ne verrons-nous jamais sous ses grandes haleines
D'autres fleurs de lumière éclore dans les plaines
De l'éternel avril?
Savons-nous où le monde en est de son mystère?
Qui nous dit, à nous, joncs du marais, vers de terre
Dont la bave reluit,
A nous qui n'avons pas nous-mêmes notre preuve,
Que Dieu ne va pas mettre une tiare neuve
Sur le front de la nuit?