si je pouvais voir, ô patrie,
tes amandiers et tes lilas,
et fouler ton herbe fleurie,
hélas !
Si je pouvais, --mais, ô mon père,
ô ma mère, je ne peux pas, --
prendre pour chevet votre pierre,
hélas !
Dans le froid cercueil qui vous gêne,
si je pouvais vous parler bas,
mon frère Abel, mon frère Eugène,
hélas !
Si je pouvais, ô ma colombe,
et toi, mère, qui t' envolas,
m' agenouiller sur votre tombe,
hélas !
Oh ! Vers l' étoile solitaire,
comme je lèverais les bras !
Comme je baiserais la terre,
hélas !
Loin de vous, ô morts que je pleure,
des flots noirs j' écoute le glas ;
je voudrais fuir, mais je demeure,
hélas !
Pourtant le sort, caché dans l' ombre,
se trompe si, comptant mes pas,
il croit que le vieux marcheur sombre
est las.
18 juillet 1870.
1854, 08, 24