il fait la noce éternelle.
La table est dans la tonnelle ;
mort ivre, il tombe dessous ;
et, c' est là sa réussite,
il va, quand il ressuscite,
au paradis pour six sous.
Rire et boire, et c' est la vie !
On régale ; on se convie
sur le vieux comptoir de plomb ;
toujours fête ; et le dimanche
tient le lundi par la manche ;
le dimanche a le bras long.
Le broc luit sous les charmilles.
--nous tendrons un verre aux filles
et nous les embrasserons ;
être heureux, c' est très facile.
La Grèce avait le Poecile,
la France a les Porcherons.
Las, on se couche aux carrières... --
oh ! Ce peuple des barrières !
Oh ! Ce peuple des faubourgs !
Fou de gaîtés puériles,
donnant quelques fleurs stériles
pour tant de profonds labours !
Il dort, il chante, il s' irrite.
Rome dit : quel sybarite !
Sybaris dit : quel romain !
à toute minute il change ;
et ce serait un archange
si ce n' était un gamin.
L' athénien est son père.
Par moments on désespère ;
il quitte et reprend son bât.
Devinez cette charade :
il achève en mascarade
ce qu' il commence en combat.
Il n' a plus rien dans les veines ;
il emploie aux danses vaines
ces grands mois, juillet, août ;
quel bâtard, ou quel maroufle !
--mais un vent inconnu souffle ;
il se lève tout à coup,
tout ruisselant d' espérance,
disant : je m' appelle France !
Splendide, ivre de péril,
beau, joyeux, l' âme éveillée,
comme une abeille mouillée
de rosée au mois d' avril !
Il se lève formidable,
abordant l' inabordable,
prenant dans ses poings le feu,
sonnant l' heure solennelle,
ayant l' homme sous son aile
et dans sa prunelle Dieu !
Fier, il mord dans le fer rouge.
Il change en éden le bouge,
enfante chefs et soldats,
et, se dressant dans sa gloire,
finit sa chanson à boire
par ce cri : Léonidas !
Qu' un autre lui jette un blâme.
Il est le peuple et la femme ;
c' est l' enfant insoucieux
qui soudain s' allume et brille ;
il descend de la Courtille,
mais il monte dans les cieux.
Guernesey, 16 juin 1859.